Pays : England
Genre : Rock Progressif Symphonique
Dates : 1950
URL : cliquez ici
- Avis : 409 note(s) et 27 critique(s)
- Moyenne albums : 7.97
- Classement : 784
- Consultations groupe : 77882
Article
02/10/2006
Type : portrait
Titre : Portrait d'un gentleman
Steve Hackett est de retour. Avec un album (le vingtième !) savamment orchestré, combinant habilement les expériences rock de « To Watch the Storm » (2003) et le classicisme de « Metamorpheus » (2005). Oh là... on a limpression de se retrouver dans un grenier à souvenirs, fait de paradoxes temporels et déchappées belles comme au temps où la musique ne rimait pas mécaniquement avec la pensée unique. Nostalgie. Héraut de la six cordes de feu GENESIS, celui qui, faute de reconnaissance, évacua la boîte à musique en 1978 quelques mois seulement avant le boum interplanétaire de la bande à Collins, avait déjà échafaudé son besoin dindépendance avec « Voyage of the Acolyte » (1975) : premier album solo dun membre de la genèse ; premier succès tout court.
La suite fût plus sautillante. Les années 80, fatales pour certains, difficiles pour beaucoup, sonnent la gloire de GENESIS et de PETER GABRIEL mais savèrent franchement irrégulières pour notre ami. A force de chercher sa voie(x) entre pop sirupeuse (« Cured ») et instincts classiques (« Bay of King »), Hackett enfonce les portes contradictoires et ira même jusquà fonder la machine à dollars GTR avec Steve Howe (ex-futur-ex YES) avant de reprendre ses esprits, ses billes et de revenir à lessentiel.
La musique est une ossature fragile quil faut savoir ménager. Les années 90 seront étincelantes. Une flamme ravivée par son instrument fétiche. Ce cocktail magique qui alternera le fer et le nylon jusquà cette brillante synthèse mystérieusement intitulée « Wild Orchids ». Une fleur qui possède « une odeur plus douce dans les régions sauvages du Brésil » , pays quil connaît bien pour lavoir habité quelques années et doù est originaire Kim Poor, son épouse depuis près de trente ans, artiste et auteur de ses plus belles illustrations. La dernière en date ne faisant pas exception.
Ce jour-la, Steve a la voix douce et claire. Malgré lenchaînement des interviews, il sirote tranquillement son thé. So british. En forme. « Je préfère dire que je suis un peu fatigué, je ne voudrais pas finir comme ces types qui clament leur bonne santé et qui seffondrent dune crise cardiaque ». Humour noir + Guitar Noir. Cest justement lesprit de son nouvel album. Celui qui manie les digressions comme un médiator fait partie de ces personnes qui vous accueillent chaleureusement, sans prétention, comme un vieil ami quitté la veille. Il trouve plutôt « stupide » son statut dicône rock et préfère penser que « nous sommes tous pareils à lintérieur ». Presque fataliste, il confesse que « certains musiciens sont plus connus que dautres mais que tout ça cest comme un sportif qui atteint son but, un batteur de cricket qui aurait un bon « inning »(ndr : tour de batte), ce moment où il sapprête à frapper la balle. On dit cela de quelquun qui atteint un très bel âge, quil a un bon « inning », tu vois ? ». Tendance banane, Steve analyse froidement la situation de ces « nombreux guitaristes morts, devenus fous ou qui ne jouent plus » et admet vouloir « rester en bonne santé. Un truc personnel ». Sa seule drogue est « le sucre ! Je ne bois pas, ne fume pas, ne prend pas de café, seulement du thé et je fais de lexercice tous les jours si je peux, même si cest une véritable torture comme ce matin ». De la douleur comme de lâge peu de stigmates pourtant. Il a déclaré « la guerre au temps, un adversaire redoutable » et admet aujourdhui avoir « une vie plutôt agréable, être heureux chaque jour un peu plus. Jeune, je prenais tout trop au sérieux mais jai appris que la vie ne te donne pas tout dès la première fois ». Philosophe, il ne peut sempêcher de rallumer la flamme noire « le mieux cest sûrement lorsque lon meurt, ce moment où tu renonces à tout ça ».
Idem du passé : la discussion prend alors une tournure originale. Imprévisible. « Auparavant, lorsque je parlais ou répondais aux interviews comme aujourdhui, je mennuyais à toutes ces mêmes questions sur la musique et jessayais alors de changer de tactique, de sujets. Ce que je dis là est complètement différent, je peux parler dautres choses, avoir une conversation plus organique, plus naturelle ». Originaire de Pimlico près de Londres, Hackett a démarré la musique à lharmonica avant denchaîner avec la guitare dès 12 ans. Il a joué avec les meilleurs mais lhomme a toujours cultivé la discrétion. Aucune biographie nest prévue à ce jour. « Quelquun devrait lécrire. Pour cela il faut beaucoup de concentration. Une très bonne biographie récente est celle de John Peel (ndr : intitulé « Margrave of the marshes », Peel fût le créateur des fameuses « Peel Sessions »), un DJ révolutionnaire en son temps, lorsquil travaillait à la BBC. Même sil a supporté des mouvements comme le punk, je comprends mieux ses motivations ». Steve incompris ? Sur le coup on a du mal à se situer. « Il parlait très lentement pour un DJ, il était très érudit et se définissait comme un homme du peuple venant de lécole publique alors que ses origines étaient les mêmes que celles des membres de GENESIS ! Celles des privilégiés ». Pour la nostalgie il faudra sonner ailleurs. Du côté de Bob Dylan, curieusement.
La pochette évanescente de lalbum contraste avec la jovialité zen, presque au ralentie du bonhomme. Lambiance qui sen dégage est sombre, chaotique et la reprise de « The Man with Long Black Coat » figure en bonne position : « Ces dernières années, Dylan est devenue une grande influence. Jinterprète son aspect poétique de façon plus intense alors quauparavant jétais plutôt attiré par les détails, les arrangements, ce genre de choses. Cest différent aujourdhui, je peux écouter ses premiers travaux en y décelant ses forces comme sur « 61 Revisited » qui reste à mon avis son meilleur album mais aussi « Blonde on Blonde ». Plus quune partie de mon passé, Dylan fait désormais partie de mon univers musical. Cest comme aimer un vieil ami ou lorsque tu revois une ancienne petite amie et que tu réalises à quel point tu laimais. Cest amusant comment les sentiments fonctionnent ».
En laissant ces orchidées sauvages vagabonder au gré de son humeur, on reste surpris des vastes horizons visités : « Jai toujours évité la catégorisation. Je me définirais plutôt comme un acteur qui interprète plusieurs personnages dans des films très différents où je peux être tour à tour vertueux, idiot, clownesque ». Mais avec Steve tout est affaire de masques qui symbolisent à eux seuls ses « différentes approches musicales ». Outre ce besoin de sortir du moule, il admet quil faut faire preuve « dauto critique, de recul face à ceux qui nous jugent et qui nous imposent ceci ou cela sous prétexte quon ne sait pas chanter, danser, que lon est trop jeune, trop vieux, trop gros ». Pince sans rire, il ajoute que « les critiques nont pas vraiment dintérêt mais tu peux quand même en tirer quelque chose si tu les utilises pour briser les règles ».
Il nuance : « Ce que dit un juriste doit avoir une raison alors quun auteur peut écrire un livre entier de digressions comme je suis en train de le faire sans avoir la pression de devoir rester dans un certain cadre ». Pensif et lucide, il prône cette capacité dévasion comme facteur de « réussites artistiques » mais reconnaît quil faut « avoir les tripes pour sessayer à quelque chose de différent ». Voilà comment il envisage la musique. « Jai un ami très talentueux qui était dentiste avant de devenir un excellent pianiste de jazz puis réalisateur. Un autre, hongrois, joue de la trompette et du violon après avoir fait partie de son équipe nationale aux Jeux Olympiques ».
Ni gagneur masochiste, ni passéiste naïf. A bientôt 57 ans, Steve Hackett est toujours habité par la guitare avec une prédilection assumée pour le classique (« mon prochain album sera un hommage à Segovia, purement basé sur la technique et très difficile, quelque chose dont jai rêvé il y a un an »). Il nabandonne pas lidée de progresser encore et admet non sans malice que « Wild Orchids » est son album « le mieux interprété ». Les yeux brillants, il se contente de sa place si particulière dans lunivers rock, patiente depuis 1988 pour trouver une scène en France et poursuit son aventure, en marge, avant de séloigner une nouvelle fois, comme dans un western, assurant que «le meilleur est à venir ».
Entretien réalisé avec Adol, le 5 septembre 2006 au Grand Hôtel à Paris.
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