Titre : La fin dune histoire et un nouveau départ
Me voilà à nouveau confronté à une tâche bien difficile, une tentative de chronique pour lalbum le plus unique de Genesis. En 1974, le groupe a déjà 5 albums studio et un live à son actif. Avec « Selling », il a réellement atteint lobjectif quil sétait fixé depuis « Trespass ». Au travers dune musique inspirée par des textes fantasmagoriques et emprunts de romantisme, Genesis a affiné sa technique au point datteindre une certaine perfection formelle tout en sattirant un public averti. Peu avant la déferlante punk qui imposera ses standards musicaux (une musique plus accessible mais moins développée), la nécessité de changer de cap simpose à tous les membres du groupe. Cest alors que Peter Gabriel impose son idée dun album-concept.
Coincés dans la ferme de Headley Grange, maison quelque peu lugubre occupé peu avant par Led zeppelin pour la conception de lalbum IV, Genesis sapprête à pondre son album-concept comme tout groupe majeur qui se respecte à cette époque. Basé sur lhistoire dun Portoricain qui débarque dans les méandres citadins de la ville de New-York, « The Lamb Lies Down on Broadway » germe dans la pensée de Gabriel déterminé à atteindre plusieurs objectifs :
- écrire un album basé sur un personnage contemporain naviguant dans un monde bien réel et par là trancher définitivement avec ce que Genesis avait fait jusqualors
- raconter une histoire dun seul tenant qui serait interprétée dans sa totalité en concert (principe de lalbum-concept)
- écrire une musique qui soutienne et anime en même temps le texte.
Lambition qui se dégage derrière cette idée est et reste phénoménale. Le résultat lest tout autant. Si « The Lamb » nest pas un album aussi réussi sur la forme que « Selling » et que quelques longueurs peuvent se faire sentir, il nen reste pas moins lalbum le plus innovant et le plus recherché de toute la discographie de Genesis et reste lune des plaquettes majeures de toute lhistoire du rock.
Pour la première fois de sa jeune carrière, le groupe bénéficie dune qualité de production irréprochable et la qualité du mixage agrémente encore laspect innovant de cet album. Dès le départ, la première face du désormais désuet 33 tours nous emmène aux confins du génie dans un tourbillon de nouveauté depuis la plage titulaire jusquau fabuleux « In the Cage ». Rien que pour ces quelques chansons, lalbum mérite de figurer telle une relique dans toute discographie digne de ce nom.
Je ne peux mappesantir sur chaque épisode qui compose cette uvre impressionnante, je préfère mattarder un peu sur la participation de nos 5 protagonistes dans cet album. Honneur à Phil Collins qui accède ici à la notoriété suprême par son extraordinaire talent à la batterie. Au fil des plages, on peut apprécier la finesse, la beauté rythmique et la profondeur dexpression quil rend derrière ses fûts. Moins « omniprésent », que dans les albums qui vont suivre, le talent de Phil sallie ici véritablement à celui de ses compagnons pour nous montrer toute la magie et la subtilité de son jeu de batterie. Aujourdhui encore, on ne peut quêtre admiratif devant ce travail accompli. A ses côtés, Tony Banks toujours aussi magique lie véritablement lensemble via les sons de ses claviers par lesquels naisse toute la trame musicale de lalbum. Empereur du développement sonore de Genesis, cest lui qui en 1974 innove véritablement pour faire de ces 2 disques un moment dexception. Quoique plus discret que sur les autres albums, Mike et Steve sont très loin dêtre en reste ; il nous suffit découter « In the Cage » pour nous en souvenir, sans oublier que Mike participe énormément au développement musical avec Tony. Enfin, Peter Gabriel apparaît ici, tout comme lalbum, unique. Il ne joue pas ce portoricain, il est véritablement Rael et se transcende pour donner vie à ce héros des temps modernes. Soutenu par lincomparable richesse des arrangements, sa voix imprime le rythme et la cadence de tous les morceaux. Cette voix tendue (« In the Cage ») ou chargée démotion contenue (« Carpet Crawlers ») reste lune des plus intense que le rock nous ait donné; transformée çà et là par la magie des techniques audio, elle accentue encore plus son impact expressif sur les morceaux sans jamais dénaturer ceux-ci.
Que reste til de ce « Lamb Lies Down on Broadway » plus de 30 ans après sa genèse ? Un album exceptionnel à mains égard ! Exceptionnel par son originalité tout dabord. Il sagit sans aucun doute dune pièce unique voulue comme telle par les membres de Genesis. Exceptionnelle par son ampleur. Il sagit en effet de 2 disques de quelques 50 minutes pleines chacun. Exceptionnelle surtout dans sa richesse innovante. Aucun autre album de Genesis ne peut se targuer de pousser aussi loin le désir dutiliser de nouvelles orientations et de nouveaux matériels sonores. De plus, plus de 30 ans plus tard, peu darrangements nous apparaissent kitch ou franchement désuets, aucun synthé ne nous laisse une impression vieillotte ou démodée. Ce que nous appèlerions aujourdhui « les effets spéciaux » sont toujours à la hauteur. Au niveau de la recherche, « The Lamb » est sans conteste une véritable bombe. Pour finir, cet album est tout simplement exceptionnel par la grâce des musiciens qui le composent. Ces 5 là étaient au sommet de leur art en même temps et animés dune même volonté sur ce projet malgré les dissensions qui pointaient déjà.
Lalbum souffre de quelques longueurs (si peu) dues tout simplement à son origine. Destiné à être interprété intégralement en public, quelques plages musicales devant servir de liguant ont été rajoutées afin de lier la trame et de permettre les changements de décors et de costumes (très nombreux) durant sa mise en scène. Véritable tour de force, sa conception et sa mise en scène sest finalement réalisée sur moins dun an.
Symbole de la rupture de Genesis davec sa propre image incarnée par Peter Gabriel, « The Lamb » est avant tout un album très (trop ?) ambitieux. Sorti des tripes de 5 jeunes hommes dun peu plus de 20 ans, unique sous toutes ces formes, il reste aujourdhui encore le météorite de la carrière du groupe. Original, son approche demande un peu dapprivoisement, mais, tel un sable mouvant, lorsquon sy enfonce, cest à jamais. Les efforts réalisés durant son enregistrement seront loin dêtre vain et permettront bientôt à Genesis de se tourner vers dautres horizons . Sans Gabriel !
jujubonu
Track-list de The Lamb Lies Down On Broadway
Disc 1 time: 45:34 1. The Lamb Lies Down on Broadway (4:50) 2. Fly on a Windshield (4:23) 3. Broadway Melody of 1974 (0:33) 4. Cuckoo Cocoon (2:11) 5. In the Cage (8:15) 6. The Grand Parade of Lifeless Packaging (2:45) 7. Back in N.Y.C. (5:42) 8. Hairless Heart (2:13) 9. Counting Out Time (3:42) 10. The Carpet Crawlers (5:15) 11. The Chamber of 32 Doors (5:40)
Disc 2 time: 48:49 1. Lillywhite Lilith (2:42) 2. The Waiting Room (5:24) 3. Anyway (3:07) 4. The Supernatural Anaesthetist (2:59) 5. The Lamia (6:57) 6. Silent Sorrow in Empty Boats (3:07) 7. Colony of Slippermen (8:13) a) The Arrival b) A Visit to the Doktor c) Raven 8. Ravine (2:04) 9. The Light Dies Down on Broadway (3:32) 10. Riding the Scree (3:57) 11. In the Rapids (2:26) 12. It. (4:15)
Total Time 94:23
Line-up de The Lamb Lies Down On Broadway
- Tony Banks / keyboards - Phil Collins / drums, percussion, backing vocals - Peter Gabriel / lead vocals, flute - Steve Hackett / electric guitar, nylon guitar - Mike Rutherford / bass guitar, 12-string guitar
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