Cela fait trois ans que notre ami guitariste n'a quasiment plus fait parler de lui. Depuis le dernier volet de sa grande trilogie multi-millionnaire ("Tubular Bells" / "Hergest Ridge" / "Ommadawn"), il n'aura entrecoupé son silence dépressif qu'à l'aide d'une poignée de singles sympathiques - "Portsmouth", "William Tell Overture" et "Cuckoo". Autant dire pas grand-chose à se mettre entre les oreilles.
Entre temps : isolé du show-biz, le gus enchaîne un mariage fissa avec la fille d'un gourou à la mode et une thérapie certifiée "reborn" à la clé pour se forger une personnalité ad'hoc : OLDFIELD aura loupé quelques marches de l'escabeau musical au passage. Désynchronisé de la scène pseudo-tendance ("Punk Rock ? Je n'en ai jamais entendu parlé..." dira-t-il) le voici de retour avec son premier double album sobrement intitulé "Incantations". Une heure et quart de musique symphonique et hypnotique (qui a dit obsessionnelle ?) renforcée par une guitare plaintive et lancinante toujours inspiré.
C'est donc rasséréné que notre homme décide de repartir sur les routes avec pas moins d'une cinquantaine de musiciens et choristes à ses côtés dont la délicieuse Maddy Prior (Steeleye Span), Phil Beer (à la tienne), Nico Ramsden, les frangins Pierre et Benoît Moerlen (Gong) mais également le bassiste polonais Pekka Pohjola (auteur du très bon album "Mathematician Air Display" sur lequel intervenait Mike et pas Michal de la Star Academy), David Bedford (arrangeur des premiers ouvrage de MO), Mike Frye, Tim Cross, les musiciens traditionnels Robin Morton et Ringo McDonough ainsi que le Queen College Girls Choir et j'en passe... autant dire que le père Oldfield voyait les choses en scope ! Trop peut être. Malgré son succès, la tournée sera un désastre financier et pour se consoler, Virgin sortira lunique album live du gugusse à ce jour : "Exposed".
Un quart de siècle plus tard, et alors qu'on attendait plutôt un live enregistré à Montreux en 81, voire l'édition du superbe concert donné à Knebworth en 80 (on peut toujours rêver), ce même "Exposed" débarque sans prévenir ! Las des turpitudes électroniques dans lequel notre homme se fourvoie depuis trop longtemps, les fans de la première heure peuvent (enfin) retrouver le guitariste au mieux de sa forme.
Premier constat, la différence sonore entre les deux versions saute aux oreilles. L'enregistrement du concert donné à Wembley possède en effet un son plus brut, granuleux, dont les pains n'ont pas été gommé après coup. Rare. Et ça démarre fort avec un "Incantations" raccourci d'une trentaine de minutes pour un résultat plus fluide, plus rythmé. L'aspect symphonique de la composition prend ici toute sa dimension mystique et la voix de Maddy Prior clôt les débats avec les frissons qui s'imposent. Chapeau l'artiste ! Si la thérapie semble avoir eu du bon, il ne faut pas s'attendre à ce que Mike imite Jagger pour autant. Entre les tenues, les coiffures certifiées, les avions en papier du public et quelques jeux de scène pour le moins risibles (la danse hippie sur le "Sailor Hornpipe"), "Tubular Bells" respire le soleil. Moins dépressif que son pendant studio, le final explosif de la première partie ouvre la porte à un "Guilty" qui met définitivement le sang à l'encre - la guitare reste au premier plan pour mettre du vent dans les voiles, le métal précieux rougeoie sous les coups de pattes inspirés.
Sur le plan technique, l'image vaut ce qu'elle vaut et la réalisation pourra sembler un poil approximative avec un montage qui loupe de temps à autre le soliste en question... mais les cinq angles de vue disponibles et le son remixé à l'avenant permettent de vivre pleinement le concert, comme si vous y étiez.
Les plus grincheux argueront du minimum syndical concernant le packaging (pas le moindre livret), la "petite" heure trente de concert ou la cruelle absence d'Ommadawn. Mais nous voici bien loin des productions calibrées, des machines de guerre sans âmes dont on nous rabâche les oreilles à longueur de médias. La musique conserve ici toute sa magie et lorsque les dernières notes s'évanouissent on a plus envie d'ajouter quoique ce soit.
Cyrille Delanlssays
* La note s'explique par la moyenne musique (9.5) / technique (7.5)
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