Titre : Sous trip, un Terry Riley électrique joue avec Coltrane, voilà Third !
Soft Machine est un des premiers groupes pop, avec lExperience et les Mothers de Zappa, à avoir été capable de dépasser le stade de la chanson électrifiée. Third, avec les albums de Miles, est une des premières oeuvres à fusionner, à réaliser une synthèse cohérente et originale entre jazz et rock, évitant les écueils du collage de genres. Mais lapproche des softs est totalement différente de celle de Miles. Leurs compositions, très personnelles, cérébrales et paranormales, sinspirent des musiques contemporaines et sérielles : la machine molle est un groupe de rock psychédélique expérimental et avant-gardiste qui flirte avec le jazz en empruntant au genre quelques ingrédients essentiels :
- sa folie, aux couleurs cuivrées,
- sa liberté dimpro.
Third est un album étrange, radical, nouveau, qui a ouvert la voie à des groupes parmi les plus aventureux : citons Magma, Henry Cow, et Gong par ex.
« Facelift », provient du live « Noisette » (Cuneïform). Oeuvre pieuse sil en est, et réminiscence des travaux de Spaced, ce morceau nous permet dapprécier les tendances expérimentales du groupe, incarnées par Hugh Hopper, et amenées ici à leur plein épanouissement. Tous les instruments sont passés par la moulinette de la sorcière électricité au travers de la Fuzz Box distortion, même les saxs.
Le solo dorgue de Ratledge en intro est tout simplement traumatisant : linstrument sonne à peu près comme mon ordinateur se connectant sur Internet, cest dire ! Des nappes de piano et dorgue, visqueuses viennent noyer comme un brouillard malsain lensemble de ce délire free form de 20 minutes. Des brumes acides émergent les saxophones (Ducks in flight), qui gémissent comme détranges volatiles et chantent des chinoiseries hallucinogènes.
Le solo de flûte au milieu du morceau, dune beauté incantatoire, hypnotise. Puis, possédé, linstrument éructe, tandis que le sax maudit, rugit. Lyn semploie à vous précipiter dans le chaos avec un instinct dément !!! En fin de morceau, le riff dorgue de Ratledge est passé à lenvers. Des bruits de bandes accélérées sinsinuent encore ; et latmosphère, plombée, devient carrément diabolique !
Les compositions de Ratledge, quant à elles, témoignent la fois de la formation classique, des aspirations jazz de leur auteur, et de l'intérêt qu'il porte à l'oeuvre de Terry Riley. Du coups, on a droit à une forme de jazz mélodique et goûtu, qui emprunte plus à Coltrane qu'au jazz impressionniste et vaudou de Miles.
Slightly all the time représente ce que le groupe a fait de mieux dans la veine jazz :
Wyatt, épanoui et éblouissant à la batterie, établit des structures polirythmiques effervescentes dont la richesse et la vitalité nont rien à envier à celle dun Elvin Jones ou dun Vander !
Très écrite par moments le chorus de flûte gracieux et enjoué, interprété par Jimmy Hastings-, cette composition se distingue par les incomparables soli de Dean (Backwards theme), qui sarticulent autour de la basse ronde dun maître Hopper au meilleur de sa forme. En effet, le lyrisme dElton natteindra que rarement de tels sommets !
Les cuivres dOut bloody rageous rappelleront à lauditeur le plus averti le Magma de 1001°centigrades, en plus enjoué.
Mais sur cette dernière compo, Ratledge, comme un Terry Riley halluciné, transporte lauditeur « a 1000 light years from home ». Il répète, superpose, à l'envers et à l'endroit, à différentes vitesses et en jouant des effets (volume), une même phrase musicale. Le principe est utilisé en intro et en conclusion, à l'orgue et au piano électrique, et l'effet est saisissant ! C'est très évocatif ! Un envol doiseaux ?
Moon in june nous permet, quant à elle, dapprécier une dernière fois les talents de chanteur de notre crooner préféré. Par la suite, il aura droit à quelques escapades vocales free form en concert ; mais le groupe napprécie pas son goût pour lexpérimentation vocale et Bob aura droit à un projet solo « the end of an ear » pour se consacrer plus avant à cet aspect de ses talents musicaux !
Il est important de signaler que la première moitié de Moon in june est interprétée par Wyatt lui seul, il y joue de tous les instruments. Cela est révélateur du décalage de sensibilité qui saccumule peu à peu entre le batteur et les autres musiciens. Fusionnant plusieurs songs issus des premières démos de la machine molle avec des nouveaux, Robert achève une des uvres progressives dont lécriture est la plus fouillée. Les multiples cassures rythmiques, changements de tempo, et embardées sauvages nous amènent au constat suivant : cette pièce représente sûrement le moment le plus intense de lalbum. Son final chaotique, est marqué par le solo free de Rab Spall, déformé par des oscillations de bande magnétique.
L'album le plus chaotique et le plus beau de la machine folle !!!
aur
Track-list de Third
1. Facelift* (18:54) 2. Slightly All The Time (18:14) 3. Moon In June (19:18) 4. Out-Bloody-Rageous (19:17)
Total time: 75:43 * 'Facelift' was recorded live at Fairfield Hall, Croydon, January 4, 1970 and at Mothers Club, Birmingham, January 11, 1970.
Line-up de Third
- Robert Wyatt / drums, vocals (track 3), piano (track 3), organ (track 3), bass guitar (track 3) - Hugh Hopper / bass guitar - Mike Ratledge / organ, piano (except track 3), electric piano (except track 3) - Elton Dean / alto sax (except track 3), saxello (except track 3) - Lyn Dobson / flute, soprano sax (track 1) Guest musicians: - Nick Evans / trombone (track 2) - Jimmy Hastings / flute, bass clarinet (track 2) - Rab Spall / electric violin (track 3)
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