Vingt-deux ans à peine, Mike Oldfield est au sommet du box office et au-delà de ses phobies. Même si la critique a entamé son autodafé routinié avec Hergest Ridge (1974), comme si lencensement devait logiquement se punir dun renversement de tendance chic, le public reste à lécoute tout comme Richard Branson qui lui garde toute sa confiance financière. Le phénomène musical cultive quant à lui une frustration et un degré dinsatisfaction chronique ; son exil dans un manoir paumé au fin fond de lHerefordshire naura pas effacé toutes ses angoisses galopantes. Cest dailleurs dans cette ambiance aux extérieurs paisibles et impressionnistes, que va naître lénigmatique Ommadawn, terme gaélique signifiant en substance « idiot ».
Névrotique. Conclusion sanguine dune trilogie aussi tourmentée que viscérale, la partition divisée en trois axes assimile une nouvelle inspiration venue dAfrique avec la collaboration des percussionnistes de la troupe Jabula. Il ne faut pourtant pas sy tromper : délicates et oniriques, les premières mesures déploient un sens de lharmonie dépouillée de tout artifice. Mike Oldfield touche à lépure et la suite demeure un des plus fabuleux crescendo descendu de la planète progressiste seventies. Inclassable, cette danse féconde, entre des rythmiques excitées et une chorale pyrogène (dirigée par Clodagh Simmonds) voit en son sein danser en transe une guitare fissurée, épileptique, calcinée.
Plus calme, le second mouvement rejoint les sentiers folkloriques du précédent album encore en mémoire. Lonirisme général laisse pourtant sa place à un véritable cataclysme construit à laide de plusieurs centaines de guitares superposées dans un déluge de saturations distordues. Potards à 11 sur les Marshall. Effet garanti ! Ne reste quun dernier espoir, très relatif une improbable sérénité, portée par une chanson naïve aux arpèges arc-en-ciel : « On a Horseback ». Mais cette quiétude de lâme ne trompera personne.
Tubular Bells se cognait la tête contre les murs soniques ? Hergest Ridge se drapait danthracite ? Nous voici carbonisés pour le compte. Et au milieu, il ne reste plus que la musique. Cette trilogie, odyssée orgasmique dune somme de mauvais trips existentiels, culmine dans son ultime tableau : Ommadawn, hymne à la vie, halluciné comme un chur grec éclaté au LSD.
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