Le départ théâtral et névrotique de Roger Waters avait suivi le crash mural dun Final Cut (1983) rapiécé en mode patchwork. Nous nétions pas encore au milieu des années 80 et, bien évidemment, personne ne donnait cher de la peau du dinosaure Pink Floyd, exténué, laminé par la vague Punk, elle-même asséchée par une New Age déjà soldée. David Gilmour se retrouva alors aux commandes dun radeau sabordé, prenant leau de toute part, rafistolé avec les moyens du bord. Pourtant, un procès glauque et pas mal de noms doiseaux échangés entre les deux égotistes plus tard, A Momentary Lapse Of Reason (1987) prouvait que le groupe, devenu au passage duo (exit Richard Wright), restait une formidable machine à tubes et une rutilante planche à billets. Financièrement rassuré du bien fondé de sa petite entreprise, David Gilmour fructifia les choses avant de travailler plus sérieusement sur un douzième album attendu.
Après les règlements de compte précédents, la nouvelle ne laissa personne indifférent et nombreux furent les journaleux (auto-proclamés ou pas) qui fourbirent leurs armes fissa pour achever ces quinquagénaires mégalos en fin de reigne avancée. Avant même sa sortie, The Division Bell était comparée à une vache à lait au cur atomisé, carbonisé, dont il ne pouvait rester quune abstraction musicale réduite à la soustraction de Roger Waters. Le hic : David Gilmour osait remettre le couvert, blasphémant une fois encore à ressuciter le mythe intouchable en mode trio collaboratif. Richard Wright de retour (!) et Nick Mason enfin plus impliqué allaient contredire les cassandres avec un album millimétré, un grand disque cohérent, magnifié par la production renversante du fidèle Bob Ezrin.
Au-delà du fait que The Division Bell fait partie des madeleines de Proust de votre serviteur, il suffit dapprécier le son cristallin de lépure instrumentale Cluster One (une splendeur), la guitare, inspirée, dun Gilmour qui conserve ici toute sa magie. Quelques joyaux mélodiques (What Do You Want From Me, Take It Back ou Coming Back To Life) achèvent les aspérités psychédéliques dantant, laissant place au spatial Marroned et à la ballade Lost For Words. Mieux, ce lyrisme florissant passe définitivement à la postérité sur le grand oeuvre High Hopes adoubé par son chorus final de la plus belle étoffe.
Et les pisse-froid ruèrent dans les brancards. Forcément. Mais le malade (imaginaire) était bien plus vivant que les supposées réminiscences crapoteuses dun album dit bâtard, émasculé. Car les musiciens tenaient fermement la rampe sur ce Division Bell chant du cygne. La tournée qui suivit fût triomphale et immortalisée par P.U.L.S.E. (1995). Avec le recul, et sil peut encore laisser perplexe les cartésiens dynamités de la première heure, il ne faut pas hésiter à embarquer sur cet album gorgé de plaisirs simples qui offrira 20 ans plus tard (The Endless River) une belle résurrection dinédits en hommage, vibrant, à Richard Wright parti trop tôt. On a connu crépuscule moins lumineux.
1. Cluster one (5:58) 2. What do you want from me (4:21) 3. Poles apart (7:04) 4. Marooned (5:28) 5. A great day for freedom (4:18) 6. Wearing the inside out (6:48) 7. Take it back (6:12) 8. Coming back to life (6:19) 9. Keep talking (6:11) 10. Lost for words (5:14) 11. High hopes (8:31)
Total Time: 66:24
Line-up de The Division Bell
- David Gilmour / guitars, vocals - Nick Mason / drums - Richard Wright / keyboards, vocals
WITH: - Jon Carin / keyboards - Bob Ezrin / keyboards, percussion - Dick Parry / tenor saxophone - Guy Pratt / bass - Tim Renwick / guitars - Gary Wallis / acoustic & electronic percussion - Sam Brown, Carol Kanyon, Rebecca Leigh-White, Durga McBroom & Jackie Sheridan / backing vocals
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