- Avis : note(s) et critique(s)
- Moyenne albums :
- Classement :
- Consultations groupe :
Article
04/02/2009
Type : entretien
Titre : La gueule du loup
Suite au dossier conséquent sur Alan Parsons Project, j'ai pu mettre le grappin sur Eric Woolfson, lun des deux instigateurs et surtout compositeur attitré du Project. Cela dit, il aurait été malséant quun individu nommé Woolfson (« Fils du Loup » pour les non indiens) ne nous pose un lapin. Quoiquil en soit, reconverti aujourdhui dans la comédie musicale, Eric se prête au jeu de lentretien, ce qui, en soit, constitue déjà un événement tant lhomme se fait rare et discret dans les médias.
AMAROKPROG : Bonjour Eric. Merci pour cette interview. Parlons dabords de laventure ALAN PARSONS PROJECT. Comment tout cela a-t-il commencé ?
Eric Woolfson : Alan et moi, nous sommes rencontrés à la cantine des studios Abbey Road. Nous travaillions dans deux studios différents mais comme nous mesurons chacun pas loin de deux mètres, nous avons commencé à discuter dans la queue sur le fait que nous dépassions tout le monde de la tête et des épaules !
AMAROKPROG : Comme beaucoup dartistes de cette époque, vous étiez tous les deux inspires par les Beatles et Pink Floyd ?
Eric Woolfson : Alan travaillait comme ingénieur du son justement avec Pink Floyd et Paul McCartney. Il commençait même à produire des artistes tels que Steve Harley, Cockney Rebel ou Pilot. Même si les Beatles sont une de mes influences, je me sentais plus proche de compositeurs/interprètes tels que Chuck Berry, Buddy Holly et Brian Wilson des Beach Boys.
AMAROKPROG : Dans la sphère progressive, APP a toujours semblé en marge, avec un grand sens des arrangements et de la production ajouté à des mélodies très populaires. Avec le recul, comment définirais-tu le son du groupe ?
Eric Woolfson : Le son était lapanage de Alan et de son talent en tant quingénieur du son et producteur. Il mettait toute son énergie dans la qualité de lensemble et nous ne faisions aucun compromis là-dessus. Par exemple, il était hors de question de faire des économies en utilisant des synthétiseurs à la place dun orchestre. Evidemment, nous avons utilisé des claviers mais uniquement lorsque leurs sons étaient nécessaires.
AMAROKPROG : Lautre élément original était lutilisation de différents chanteurs en fonction des titres. Cette pratique de trouver la meilleure voix pour chaque morceau était très originale à lépoque.
Eric Woolfson : Oui, lune de nos marques de fabrique était de trouver des voix assez différentes que vous nauriez pas entendues ailleurs sur ce genre de projet. Lintention originelle sur « Tales of Mystery » était dimpliquer des artistes avec lesquels Alan avait déjà travaillé, comme Terry Sylvester des Hollys. Ce dernier fût dailleurs enchanté de participer à lalbum et trouva lexpérience plus satisfaisante et moins stressante que de faire son propre disque avec en ligne de mire la meilleure place possible au box office. Ce nétait effectivement pas le cas avec nous !
AMAROKPROG : Est-ce la raison pour laquelle le groupe nest jamais monté sur scène ?
Eric Woolfson : APP na jamais tourné et lune des raisons principales était que Alan navait pas de rôle de musicien ou de chanteur. Il était assis derrière la table de mixage, à tourner des boutons, ce qui nest pas le plus passionnant à regarder. Cest vrai quaujourdhui, Alan se produit avec des musiciens mais ce nest pas le Project et ce quil fait sur scène na pas de relation avec le rôle quil jouait dans lenregistrement de nos albums.
AMAROKPROG : APP sest séparé en 87, après lalbum « Gaudi ». Pourquoi cette décision ?
Eric Woolfson : Contractuellement, « Gaudi » était le dixième et dernier album que nous devions fournir au label. Après cela, je souhaitais explorer la possibilité décrire des comédies musicales et Alan, qui a été impliqué dans la réalisation de mon premier musical (ndr : Freudiana), ne trouva pas lexpérience assez satisfaisante. La raison était simple, lors de lenregistrement dun album, cest lui qui avait le dernier mot sur tous les aspects et que ce soit les musiciens, les chanteurs ou les chefs dorchestre, tous devaient suivre ses instructions. Au théâtre par contre, il soccupait du son et un jour, un chef dorchestre lui a demandé de baisser le volume. Lorsque Alan sy est opposé, on lui a répondu quil devait quoiquil en soit obéir au chef dorchestre ! De mon point de vue, le théâtre est plus satisfaisant car en studio, le compositeur na pas une très bonne position. Par contre, au théâtre de Vienne, notamment, jétais « der composiste », un statut nettement plus gratifiant.
AMAROKPROG : Quelle fût votre participation dans les versions remasterisées des albums du Project ?
Eric Woolfson : Avec Tim Fraser-Harding de Sony / BMG et Haydn Bendall, nous avons étudié ce qui pouvait être ajouté en terme de bonus. Alan, quant à lui, a travaillé sur tous les aspects techniques.
AMAROKPROG : Il paraît que pour la compilation « The Essential », la sélection des titres a été faite lors dun sondage sur Internet ?
Eric Woolfson : Oui, cette idée revient à Tim qui a consulté un panel de fans et a élaboré un vote qui a ensuite servi de base à la sélection des morceaux.
AMAROKPROG : Depuis quelque temps, de nombreux groupes des années 70 se reforment pour une tournée ou un nouvel album. Est-ce envisageable pour le Project ?
Eric Woolfson : Revisiter ces albums ma fait comprendre que ceux-ci représentaient le meilleur travail que Alan et moi avions accompli ensemble. Mais depuis vingt ans, bien de leau a coulé sous les ponts et nous avons emprunté des directions différentes.
AMAROKPROG : Quels sont tes albums préférés justement ?
Eric Woolfson : Impossible à dire, ce serait comme choisir entre ses enfants mais le premier album reste très spécial, une expérience très différente de tout ce que nous avions fait auparavant.
Eric Woolfson : Il faut revenir aux années 60, lorsque jécrivais pour Southern Music au Londons Tin Pan Ally et que je travaillais aux côtés de Andrew Lloyd Webber et Tim Rice. Javais les mêmes problèmes queux pour faire interpréter mes chansons par des artistes reconnus. Cette difficulté était notamment du à nos compositions plus conceptuelles et qui dépassaient le simple format des 3 minutes, la norme à lépoque. Andrew et Tim ont rapidement réalisé quils avaient besoin de créer toute une structure pour mettre en scène leurs compositions et ils se sont rapidement investis dans les comédies musicales. Pour ma part, jai créé le Alan Parsons Project mais jai réalisé plus tard que Andrew et Tim avaient été très malins et jai donc décidé de rejoindre à mon tour la scène du théâtre. Je me suis rendu compte quécrire une comédie musicale ou un album conceptuel était finalement très similaire, la seule différence étant la longueur, un musical nécessitant deux fois plus de musique.
AMAROKPROG : Ton premier projet, « Freudiana », était basé sur la vie de Sigmund Freud. Etrange sujet, non ?
Eric Woolfson : Jai toujours été fasciné par les grands esprits et après avoir abordé Edgar Allan Poe et larchitecte Antonio Gaudi, il me semblait naturel dêtre attiré par loeuvre de Freud et lidée ma inspiré, musicalement parlant, même si ce choix pouvait effectivement paraître étrange !
AMAROKPROG : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur « Gambler » et « Gaudi » qui suivirent peu après ?
Eric Woolfson : Les dangers du jeu a été un thème maintes fois abordé dans les albums du Project, notamment dans « The Turn of a Friendly Card ». Même la chanson « Eye in the Sky » était en partie inspirée par les systèmes de surveillance mis en place dans les casinos de Las Vegas. Le spectacle « Gambler » développe donc ce thème et de la même façon, « Gaudi », que le Project avait déjà abordé avec un album éponyme, poursuit létude de la vie et de loeuvre de larchitecte catalan, un incroyable génie.
AMAROKPROG : En 2003 est sortit « Poe », votre quatrième production une nouvelle fois inspirée de lécrivain Edgar Poe...
Eric Woolfson : Oui, ce nouveau spectacle sen inspirait, tout comme le premier album du Project et si la musique du spectacle est totalement nouvelle, certains morceaux ont été composés à lépoque de lalbum original dans lintention de faire un « Tales of Mystery Volume II ». La raison pour laquelle cette suite na jamais vue le jour est assez intéressante : lorsque nous avons fait « Tales of Mystery and Imagination » (1975), nous étions sous contrat avec une maison de disque pour un seul album et lorsque nous avons ensuite bougé vers un autre label, ce dernier nétait pas intéressé à lidée de produire un « Volume II », nayant pas contribué au premier volet. Lidée a donc du patienter quelques années !
AMAROKPROG : Comment se déroule votre travail décriture ?
Eric Woolfson : Il ny a pas de processus particulier pour écrire une comédie musicale. Les choses évoluent peu à peu et en ce qui me concerne, la majeure partie du temps est consacré aux textes qui, comme la un jour dit Steven Sondheim, sont comme « un lourd rocher à pousser en haut dune colline ».
AMAROKPROG : Ta voix est très reconnaissable. Pourquoi ne joues-tu pas sur scène ?
Eric Woolfson : Il paraît que lorsquun compositeur interprète lui-même ses chansons, une magie opère et cest probablement ce qui sest passé sur les albums du Project. Mais comme je te lai dit avant, les intentions du Project nétaient pas de faire comme les autres et je ne suis pas quelquun qui se réjouit dêtre sur les planches. Je suis avant tout un compositeur et comme nombre dentre eux, je suis plus à laise derrière la scène ou dans lombre de celle-ci.
AMAROKPROG : Quelles sont les qualités pour une bonne comédie musicale ?
Eric Woolfson : Pour moi, une comédie musicale doit avoir plusieurs ingrédients. Premièrement, et cest le plus important, de bonnes chansons. Ensuite, une bonne production et plus particulièrement au niveau de la chorégraphie. A ce titre, les maîtres du genre sont Rodgers et Hammerstein, notamment « Carousel » et « Oklahoma » mais je suis également un grand admirateur du « Oliver » de Lionel Bart et de « My Fair Lady » de Lerner & Lowe, sans oublier « West Side Story » de Bernstein et Sondheim. Enfin, ma préférence reste sans aucun doute « Porgy and Bess » qui fût si novateur en son temps quil mémerveille encore aujourdhui !
AMAROKPROG : Je crois que tu as un nouveau spectacle intitulé « Dancing Shadows » ?
Eric Woolfson : Oui, il a été commissionné par des producteurs Coréens qui avaient déjà monté « Gambler ». Ils souhaitaient prendre une pièce locale assez connue intitulée « A Forest Fire » et lutiliser comme source pour un nouveau spectacle. Leur intention était de créer une pièce internationale et jai alors réalisé quil serait important de créer une équipe avec des membres venant dhorizons très divers. Nous avons eu beaucoup de chance davoir laccord du célèbre dramaturge américain Ariel Dorfman pour rédiger le livret, me laissant ainsi carte blanche pour lécriture des paroles et de la musique. Nous avons également bénéficié du talent de Paul Garrington, le metteur en scène de « Mamma Mia » et « Dirty Dancing » pour cette pièce qui a reçu 5 Korean Tony Awards en 2007, dont celui du meilleur spectacle musical.
AMAROKPROG : Quelle fût votre approche musicale dans ce travail ?
Eric Woolfson : De la même façon que pour les autres, jai essayé dinclure différents styles de musique. Jai également utilisé la chanson « No Answers Only Questions » que javais redécouvert dans les archives du Project lorsque nous recherchions des bonus éventuels. Cette chanson avait été enregistrée lors des sessions de « Vulture Culture ».
AMAROKPROG : Pensez-vous jouer un jour lune de vos pièces en France ?
Eric Woolfson : Mon souhait est de voir adapter mes spectacles en France, mais ce pays a des goûts très particuliers en matière de musique et souvent une comédie musicale qui fonctionne bien ici, voyage mal à létranger et vice et versa. La France est un pays très important pour moi, car si le Project a toujours eu du succès chez vous, ce fût également en France que jeu mon premier morceau en tant que compositeur à atteindre la tête du box office. Cétait en 1971, la chanson sintitulait « Soleil », elle avait gagné au festival dAntibes et était interprétée par une chanteuse du nom de Marie. Dautres de mes compositions ont également été adaptées par des artistes comme Joe Dassin à la fin des années 60 ce qui me laisse penser que je pourrait être facilement adapté pour le marché français.
AMAROKPROG : Quels sont vos projets maintenant ?
Eric Woolfson : Je me concentre sur la production à venir de POE, de plus amples détails seront communiqués courant avril sur mon site (www.ericwoolfsonmusic.com). Sur le front des albums, les trois nouvelles livraisons pour les versions remasterisées du Project (ndr : « Pyramid », « Turn of a Friendly Card » et « Stereotomy ») seront disponibles le 10 mars. Tu pourras trouver toutes les informations nécessaires sur le site www.the-alan-parsons-project.com.
Propos recueillis en février 2008 par Cyrille Delanlssays
AmarokProg - Rock, Folk, Rock Alternatif, Metal, Prog Rock, Hard Rock, Blues, Bluegrass, Jazz, Celtique... le webzine musical avec albums, groupes, discographies, critiques, videos et extraits...