O combien difficile est le travail dun minable chroniqueur qui doit tenter décrire quelques pauvres mots sur un album qui frise la perfection absolue et ce en sabstenant de toute subjectivité et sans laisser entrevoir son admiration excessive.
Objectivement, « Selling England by the Pound » est et reste lun des albums les plus homogènes de toute lhistoire du rock et peut-être la référence absolue du rock progressif. Avec son grand frère, le « Lamb » qui suivra, nous avons là les 2 sommets de toute la carrière de Genesis.
Quels sont les ingrédients de cette réussite ? Cest tellement difficile à écrire ! « Selling » sécoute, se vit, se sent dans toute lintensité et lémotion qui sen dégage. Tentons cependant den résumer la quintessence.
Tout dabord, la construction de lalbum est phénoménalement simple, évidente et de toute beauté. Naissant sous le très britannique « Dancing with the moonlight knight », il se termine sous un quasi instrumental « Aisle of Plenty » battit sur la trame musicale du morceau douverture donnant ainsi le sentiment dun livre qui se referme. Et de livre (sans jeu de mot avec « the pound » svp), il est bien question ici. Si « Selling » nest pas en tant que tel un album concept, il sen dégage néanmoins un sentiment dunité et dhomogénéité telle que chaque plage peut être regardée comme les différents chapitres dun même roman. Les textes marqués du sceau de Gabriel ne sont pas étrangers à cela et par leur unité emprunt désotérisme ont une influence très nette sur la composition et par là sur lhomogénéité de lensemble du disque.
Deuxième éléments à mettre en valeur, la qualité musicale de lensemble. « Selling » cest lalbum dun groupe de 5 musiciens à leur apogée artistique et instrumentale. Les claviers de Tony Banks omniprésents dans lassise du son du groupe sont au sommet de leur art et font apparaître ici dans toute leur splendeur les premiers churs synthé qui seront lune des composantes majeurs du groupe au milieu des seventies. Lintensité vocale de larchange provoque des frissons à chaque écoute que ce soit dans la douceur des premiers couplets qui ouvrent lalbum chanté quasiment a capella ou dans la beauté frénétique dun « Cinema Show » hallucinant de perfection. Cest ici que la batterie et les percussions de Collins deviennent royales et quil commence à entrer dans le panthéon des batteurs de premier plan. Steve Hackett nous régale de toute la subtilité enchanteresse de sa guitare dans un superbe « After the Ordeal » instrumental dont il est lauteur. A cet égard, on ne peut se lasser découter lenchaînement de « Cinema Show » vers « Aisle of Plenty », les cordes acoustiques de Steve nous emmènent dans un monde magique de tendresse et de beauté relayée en cela par la flûte traversière de Gabriel qui se fait ici pastorale et dont la voix tendre et douce irradie de toute sa lumière la fin de cet album. Pour finir, la basse de Mike Rutherford étincelle par sa musicalité et sa coordination avec les claviers, et comme déjà observé dans les albums précédents, sa capacité à surgir au milieu dun « Firth of Fifth » prodigieux pour apporter toute lintensité et le punch nécessaire.
Enfin, sil ny avait que la virtuosité de nos 5 comparses, cet album ne serait pas placé sur les cimes du rock. Il fallait lui adjoindre un ingrédient supplémentaire, le son. Ce son, qui fait de ce « Selling » une plaquette intemporelle. Oh biensûr, nous sommes très loin des productions actuelles et le rock daujourdhui na que peu de chose à voir avec celui-là, mais ce son unique, étend son empreinte indélébile sur chaque plage de cet album et lui apporte identité, personnalité et magie à la fois. Pour le nouvel auditeur qui saventure sur ces plages pour la première fois, sachez que si vous écouter cet album dans son entièreté une seule fois, vous lécouterez toute votre vie, et quà chaque écoute, le plaisir quil vous procurera sera identique.
Il mapparaît impossible de mettre en avant lun ou lautre morceau de cet album. Il sagit ici dun tout presque indissociable. Néanmoins, force est de constater que « More Fool Me » ou surtout « Battle of Epping Forest » (écrit pour la scène) apparaissent un peu plus faible au regard des autres morceaux.
Agrémenté de lune des pochettes les plus remarquables qui soit, cet album est un pur joyau de la musique dite progressive. Latmosphère à la fois baroque et lyrique de cette page musicale laisse son empreinte indélébile dans nos consciences et dans nos coeurs. Loin des sentiers pris par le rock dur ou par la pop-music naissante (avec tout le respect que jai pour ces derniers), emprunt de mélancolie et de lyurisme, « Selling » emmène lauditeur pour un voyage au pays de la finesse, de la subtilité et de la sensibilité.
Pour terminer, « Selling England by the Pound », cest aussi laccomplissement pour Genesis qui arrive à conjuguer lensemble des forces créatrices émanant de ses 5 éléments vers un même but : la perfection dans son concept musical ébauchée dès lalbum Trespass. Si « Selling » est un accomplissement, Genesis va immanquablement devoir évoluer et se rediriger, mais ça cest une autre histoire.
jujubonu
Track-list de Selling England By The Pound
1. Dancing With The Moonlit Knight (8:01) 2. I Know What I Like (In Your Wardrobe) (4:06) 3. Firth Of Fifth (9:34) 4. More Fool Me (3:09) 5. The Battle Of Epping Forest(11:43) 6. After The Ordeal (4:12) 7. The Cinema Show (11:06) 8. Aisle Of Plenty (1:31)
Total Time: 53:22
Line-up de Selling England By The Pound
- Tony Banks / keyboards, 12 String guitar - Phil Collins / drums, percussion, backing vocals, lead vocals (4) - Peter Gabriel / lead vocals, percussion, flute, oboe - Steve Hackett / electric guitar, nylon guitar - Mike Rutherford / bass guitar, 12 string guitar, electric Sitar
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