Chargé de reprendre en main son rock (néo) progressif poussé vers la pop à sucrette, Marillion laissait planer quelques espoirs et pas mal de doutes après la déconfiture Marillion.com (1999) et le couci-couça Anoraknophobia (2001). Trois années de remise en question après, cest pourtant le financement de lalbum qui allait faire couler beaucoup dencre virtuelle et son cortège de polémiques : Marillion ayant décidé de sappuyer sur son énorme communauté de fans pour financer la production et la promotion de ce treizième album, et ce, avant même den avoir écrit une mesure. Novatrice à lépoque, lidée déconcerta et poussa le groupe à se perdre quelque peu dans une sortie aux forceps en deux versions ! Une édition simple pour les réseaux de distribution classiques et double via leur propre label (Racket Records). Idée saugrenue quand on sait que Marbles est à lorigine un album conceptuel, réparti sur 15 tranches de pain complet. Le principe den expurger la moitié tenait donc de la mutilation pure et simple ! Avec le recul, la version double semble aujourdhui la seule à devoir être sérieusement prise en compte. Pour lémotion, le frisson et la pureté fiévreuse des chapitres proposés.
Car voilà enfin un prog-rock électrique et hédoniste réussi comme on en voit (trop) peu souvent. La force de ce Marillion, mené par un Steve Hogarth aux multiples facettes vocales, tient de cette vitalité contagieuse, de cette urgence, de cette énergie qui ne faiblit jamais. La montée dadrénaline de « Invisible Man » (chef duvre de crescendo), la pop post-adolescente de « Dont Hurt Yourself » et « Youre Gone », la grace des cartes postales « Marbles » le gang anglais renouait ici avec un sens mélodique majuscule. Bonifié par lexpérience, les musiciens ne cherchent jamais à se bouffer entre eux : Steve Rothery, Mark Kelly, Pete Trewavas et Ian Mosley vont même picorer de nouvelles influences (Radiohead, Muse, Coldplay et consorts) avec un beau mépris des routines et des plans de vol trop cadrés. En passant de « Drilling Holes » (très Beatles) à « Fantastic Place », du romantique « Genie » à « Angelina », Marillion nous évoque des histoires damour nostalgiques, des souvenirs pleins de spleen lumineux. Mieux, les dix-huit minutes de « Ocean Cloud » retrouvent cette formule magique durant lesquelles Hogarth redevient cet indompté témoin des douleurs et dirréparables blessures. Vibrante. Aveuglante. Lhistoire se termine avec le bouleversant « Neverland », conclusion totalement inspirée et habitée qui enveloppe le tout de son voile diaphane.
Sur un dernier écho, lalbum charpente son uvre de synthèse (Afraid of Sunlight, This Strange Engine, Brave et plus si affinités) en touchant lâme et le cur. À sa sortie, Marbles bouscula les plus sérieux fidèles (ne parlons pas des nostalgiques de la période Fish) du Marillion deuxième période. Pourtant, avec le temps, sa fulgurance créatrice aura raison des plus récalcitrants tant il culmine aujourdhui dans les hauteurs dune discographie de choix.
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