Pays : Canada
Genre : Folk / Celtique
Dates : 1957
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- Avis : 89 note(s) et 6 critique(s)
- Moyenne albums : 8.37
- Classement : 293
- Consultations groupe : 41259
Article
13/04/2007
Type : entretien
Titre : Le retour d'Euterpe
Presque dix ans séparent « The Books of Secrets » et « An Ancient Muse », le septième album studio de Loreena McKennitt. Un silence qui entretint la légende de la diva canadienne avant ce retour attendu qui nhésite pas à nourrir son imagination, et la nôtre, dinfluences puisées en Orient. Enregistré aux studio Real World de Peter Gabriel, lalbum convie lauditeur à un foisonnant voyage en compagnie dune grande dame de la chanson. Un entretien passionnant.
Quelle est lorigine du titre de lalbum An Ancient Muse ?
Loreena McKennitt : Le titre de lalbum An Ancient Muse sest dégagé des fragments de lalbum précédent, The Book of Secrets. Je voulais de nouveau minspirer de lépoque des tout premiers Celtes, époque qui se situe aux alentours de 500 av. J.-C.. Et je me suis dit quil serait intéressant de chercher à découvrir dautres événements historiques ayant marqué ce parcours de lhistoire, en regardant, par exemple, ce qui se passait en lan 500 av. J.-C., cest-à-dire à peu près à lépoque où la Route de la Soie a vu le jour; ou bien encore, aux alentours de 400 av. J.-C., période qui correspond approximativement au règne dAlexandre le Grand; ou alors, comment les Celtes ont en fait tenté de piller Delphes en Grèce à peu près en 279 av. J.-C. et comment ils ont réussi à sintroduire par vagues successives en plein coeur de ce quon appelle maintenant lAngleterre, lIrlande, lÉcosse et le Pays de Galles, même, vous savez, jusquà lan mil apr. J.-C.. Ainsi, je voulais que ce parcours de lhistoire serve de point de départ à la création de lalbum. Et à chaque fois que je découvrais un nouveau chapitre de cette période de lhistoire, je voulais me plonger dans les livres traitant du sujet. Alors, par exemple, quand je suis arrivée en Grèce, jai cherché à en savoir plus sur Homère, que jai trouvé fascinant, tout comme le fait dailleurs, que les Celtes se soient rendus jusquen Asie Mineure, notamment en Turquie, et que Saint Paul fait référence à eux dans ses Épîtres aux Galates. Doù, pour lalbum An Ancient Muse, je dirais que je me suis largement inspirée de cette tranche de lhistoire qui correspond à lépoque des premiers Celtes.
En tant quauteur-compositeur, où cherchez-vous votre inspiration ?
Loreena McKennitt : Je minspire dune foule dexpériences. Force est de constater quen ce qui a trait à la musique que je compose, je nai jamais vraiment été très portée à chercher mon inspiration en fouillant dans ma vie privée, tandis que lhistoire des peuples celtes a toujours su éveiller ma curiosité et nourrir mon imagination. Je pense que ma démarche sapparente à celle de lécrivain voyageur, alors forcément, mon inspiration passe par le voyage. Et au fil des ans, je me suis retrouvée à voyager à toutes sortes dendroits qui conservent une trace des peuples celtes. Les voyages qui ont inspiré lalbum An Ancient Muse ont commencé à peu près en 2000. Cest lannée où jai été pour un temps linvitée du Prince Ali, fils du défunt roi Husayn de Jordanie. En 2003, je suis allée en Mongolie, puis dans un coin de la Chine, en fait, à une ville qui sappelle Urumqi dans la partie nord-ouest de la Chine. Et dans la région dUrumqi, ils ont trouvé des momies aux cheveux roux enveloppées dans des linceuls aux motifs de tartan écossais. Leur existence remonte aux alentours de lan 1000 av. J.-C. et on croit que ces momies préfigurent les premiers Celtes. Dans un tout autre ordre didées, jai voyagé en Grèce à quelques occasions. Or, ces voyages mont permis de voir à quoi ressemble la campagne dans ce pays. Par la suite, jai fait appel à ces images pour créer le paysage de ma musique. Ainsi, par exemple, il marrive parfois de prendre une ou deux minutes pour bien mettre en scène la chanson sur le plan musical avant même de commencer à chanter les paroles. Ce faisant, je cherche avant tout à utiliser le souvenir de ces voyages et de ces images, de cette lumière, de ces bruits, ainsi que de ces parfums, pour construire un paysage très précis dans ce prélude purement instrumental avant dentonner la chanson comme telle. Les voyages furent aussi pour moi loccasion de faire la connaissance de toutes sortes de gens provenant de milieux très différents, et cest effectivement au cours de mes voyages que jai rencontré des universitaires. Par exemple, jai connu quelques professeurs darchéologie, notamment lorsque je me suis rendue au site archéologique situé à lextérieur dAnkara, en Turquie. Le Docteur Mary Voight ma accompagnée pendant que je visitais ce site, et aussi le Docteur David Soren de lUniversité dArizona. Il marrivait parfois de rencontrer des écrivains voyageurs. Il marrivait aussi parfois de rencontrer des musicologues. Ainsi, le fait davoir connu tous ces gens et de mêtre imprégnée de la culture et du mode de vie de la population locale partout où jai voyagé a finalement donné toute une couleur à la musique de lalbum An Ancient Muse, et on peut dire quen soi, cela représente aussi une influence importante. Je me souviens dune fois quand jétais en Turquie en 2003, jai logé dans un charmant petit hôtel tenu par un homme qui connaissait bien ma musique, et qui me connaissait donc en tant quartiste, et il ma dit : « Eh bien, quand vous serez revenue de votre dîner, je pourrais peut-être inviter quelques musiciens et organiser une petite soirée musicale impromptue. » Et effectivement, quand je suis revenue de mon dîner, il avait en effet réuni des musiciens et nous avons dû passer, je ne sais pas moi, au moins trois ou quatre heures à jouer de la musique jusquaux petites heures de la nuit. Et quelle belle occasion, à la fois si intime et si exquise, que dapprendre à connaître de parfaits inconnus à travers cette passion que nous partagions tous pour la musique. En fin de compte, jai réalisé que le voyage est en quelque sorte la marque de mon oeuvre musicale, car les voyages ont été pour beaucoup dans ma façon de créer sur le plan artistique, mais aussi, ils se sont inévitablement révélé être des expériences riches denseignements.
Quest-ce qui vous a conduit à vous intéresser à lhistoire et aux voyages ?
Loreena McKennitt : Je me souviens quà lécole, lhistoire ne mintéressait pas particulièrement. En fait, quand jai commencé à mintéresser à la musique celtique, jai compris à quel point il est important de connaître les nombreux contextes économiques, politiques et sociaux dans lesquels elle a pris forme pour être en mesure de lapprécier à son plein potentiel. Alors, quand jai pris conscience de cela, je me suis dit : « Daccord, je vais continuer à explorer lhistoire des peuples celtes et je men servirai comme tremplin sur le plan créatif. » Et forcément, les voyages occupent une grande place dans une telle démarche artistique. En phase de recherches, je passe aussi beaucoup de temps à lire vraiment toutes sortes de livres très différents les uns des autres. Certains dentre eux sont des ouvrages académiques, tandis que dautres sont, par exemple, des livres de voyage. Ou dautres encore sont des livres dimages qui présentent uniquement des photographies. Jai de magnifiques livres provenant de Grèce et de Turquie sur certains musées et sur les oeuvres exposées dans ces musées. Je crois quun des points tournants dans ma rencontre avec lhistoire des peuples celtes sest produit à Venise en 1991 lors dune des plus grandes expositions jamais consacrées aux Celtes. Il y avait beaucoup dobjets anciens qui avaient tout récemment été mis à jour dans lancien Empire soviétique et qui navaient donc encore jamais été exposés en Occident. Et jai été très impressionnée par lenvergure de ce patrimoine celte. Finalement, je trouve mon inspiration tant au cours de mes voyages que dans les livres que je lis. Il marrive aussi de regarder des documentaires télévisés, ou découter des documentaires radio et des livres audio. On peut dire que toutes sortes de choses minspirent.
Comment décririez-vous le processus de création dans votre pratique artistique ?
Loreena McKennitt : En fait, je suis certaine que chaque créateur a sa propre méthode. Je sais que je me retrouvais assise avec toute ma documentation, mes livres, mes livres audio, mes documents vidéo et tout le reste, puis jessayais de digérer le plus dinformation possible tant et aussi longtemps que je pouvais rester assise. Puis, jallais peut-être prendre une marche en faisant abstraction de toute cette documentation afin de vraiment profiter de lair de la campagne pour me ressourcer et passer à une autre vitesse. Mais inévitablement, plus souvent quautrement, une partie du matériel que javais lu ou assimilé faisait son petit bout de chemin dans ma tête, travaillant de façon subconsciente, jusquà ce que tout à coup, par moments, une mélodie ou encore certaines images ou idées me vinssent à lesprit. Ceci dit, le processus de création peut aussi prendre dautres formes dans ma pratique artistique. Une idée peut très bien germer à partir de quelques mots ou de quelques phrases, mais aussi commencer avec une seule ligne mélodique et lorsque ceci se produit, je me pose la question : « Daccord, quest-ce que cette mélodie essaie de me dire et comment puis-je me la représenter autrement ? »
Comment créez-vous les chansons et les paysages musicaux de lalbum à partir des recherches que vous faites et des expériences que vous vivez ?
Loreena McKennitt : Quand je suis en création, il marrive parfois de me livrer à un exercice ressemblant beaucoup à celui du cinéaste qui visualise son film plan par plan. Alors, dans un premier temps, jessaie de trouver un titre qui, idéalement, saisit bien lesprit du projet et lorientation des recherches que je compte entreprendre lors de la cueillette de matériel dans les mois, voire les années qui suivront, afin de toujours garder le cap sur lalbum. Puis, dans un deuxième temps, je commence à dégager les thèmes et les idées qui sont le fruit de mes voyages et de mes recherches, et je me dis : « Daccord, maintenant je veux créer une chanson qui approfondit cette idée très précise; ou qui représente ce thème en particulier; ou encore qui met en lumière tel coin de lhistoire. » Alors quand je pense à An Ancient Muse, il y a une chanson qui sintitule « Kecharitomene », laquelle porte une réflexion sur létendue de toute lépoque où les gens voyageaient de part et dautre de la Route de la Soie. « Kecharitomene » est en réalité le nom dun monastère. Une femme, en fait, une des rares femmes historiennes du temps des Croisades, fit la chronique dune tranche de lhistoire byzantine, et, « Kecharitomene » est le nom du monastère où elle vivait. Alors, dans ce cas-ci, je cherchais à créer une chanson qui, dans sa dimension musicale, puisse représenter et peut être même évoquer cette période de lhistoire, tout en me permettant de mentionner, dans les notes explicatives du livret de lalbum, ce personnage insolite qui fut historienne à cette époque. Trouver et réunir des musiciens de différents horizons est un autre aspect important de la création de lalbum. Je suis allée à Athènes travailler avec des musiciens plus dune fois pendant la création dAn Ancient Muse. Il y eut une autre séance de travail avec des musiciens en Italie, puis à Los Angeles, et aussi à Toronto. En outre, je cherchais des musiciens qui jouaient des instruments dont la sonorité puisse évoquer une époque ou un lieu en particulier. Par exemple, à Athènes, nous avons travaillé avec des musiciens qui jouaient du bouzouki, de la lyra, du kanoun et du oud. Je me souviens dune séance où il y avait un cornemuseur qui jouait une cornemuse provenant de.., je ne suis pas certaine, mais je crois que cest de la région balkanique. Pour en revenir aux sujets de linspiration et des paysages que jessaie dévoquer dans ma musique, jaccorde une grande importance au choix des instruments et des musiciens, car cest grâce à leur sonorité idiomatique quils arrivent à donner de lauthenticité au paysage de la chanson. Lors dune autre séance musicale - nous les appelons en fait nos séances dexpérimentation de chimie musicale - à Los Angeles, jai travaillé avec un batteur originaire dIsraël. Ma musique comporte souvent des influences moyen-orientales. Et ce qui était bien cétait que, venant du Moyen-Orient, ce batteur pouvait sur sa batterie, qui est finalement un instrument de musique tout à fait contemporain, apporter une couleur très moyen-orientale aux morceaux de musique que nous improvisions ensemble. Dans cet esprit, jai parfois choisi de faire jouer un batteur avec un joueur de bodhran, ou encore avec un autre percussionniste qui jouait, par exemple, des tablas. Ainsi, en essayant différentes combinaisons, je pouvais explorer lespèce de fusion culturelle qui sopérait entre les rythmes et la sonorité des instruments.
Quels genres de musiciens et dinstruments avez-vous choisis pour An Ancient Muse ?
Loreena McKennitt : Jai utilisé une grande diversité de musiciens pendant la phase dexpérimentation musicale, et par la suite, pour lenregistrement de lalbum An Ancient Muse. Un certain nombre dentre eux sont des musiciens avec lesquels javais déjà travaillé par le passé, notamment Brian Hughes, qui joue les guitares sur lalbum; Donald Quan, lalto; Caroline Lavelle, le violoncelle; Hugh Marsh, le violon; et pour la basse, nous avons utilisé différents joueurs de basse pour obtenir des sonorités et des sensibilités musicales bien distinctes - et cela dépendait aussi de la disponibilité de chacun - Tim Landers et Charlie Jones. Aussi, différents batteurs et percussionnistes, dont un percussionniste moyen-oriental et des percussionnistes irlandais. Il y a une cornemuse irlandaise. Il y a un choeur de jeunes garçons, soit des choristes du Westminster Boys Choir de Londres, en Angleterre. Il y a aussi un ensemble de violes de gambe qui sappelle Fretwork. Nous avons également utilisé des musiciens de la Grèce qui jouaient des instruments de musique très intéressants, telle la lyre, qui est toute petite - je dirais dune dimension qui fait environ entre 50 cm et 60 cm - et on la joue en la tenant sur ses genoux. Et son équivalent turc qui sappelle le violon kemanche. Le oud, le bouzouki, le kanoun - le kanoun est comme un Dulcimer sauf que les cordes sont pincées plutôt que dêtre frappées par des marteaux. Nous avions également un merveilleux instrument qui sappelle la nyckelharpa, un instrument à archet des pays scandinaves dont la mécanique ressemble beaucoup à celle de la vielle à roue, laquelle fait aussi partie des instruments joués sur lalbum. Mais la nyckelharpa est douée dune sonorité troublante qui nous hante. Ce curieux instrument à archet se joue sur une sorte de clavier. Donc, cet album propose un large éventail dinstruments couvrant une vaste étendue dune portée à la fois géographique et culturelle. Et je dois avouer que cest quelque chose qui me plaît beaucoup. Jaime le fait que certains des instruments utilisés sur lalbum reflètent mes
recherches, mes voyages et ma démarche.
Où avez-vous enregistré An Ancient Muse ?
Loreena McKennitt : Nous avons essentiellement enregistré An Ancient Muse en Angleterre, en pleine campagne dans le Wiltshire, aux studios Real World de Peter Gabriel. Une des raisons principales pour lesquelles nous avons choisi les studios Real World est que son emplacement nous semblait être une sorte de point de chute stratégique. Cest en quelque sorte un lieu central, facilement accessible tant aux musiciens arrivant dAmérique du Nord quà ceux provenant dEurope. Il y a aussi dautres raisons dordre pratique qui ont influencé notre choix, comme par exemple, la question des visas et ainsi de suite. Un autre des avantages de travailler aux studios Real World est que, de temps à autre, il marrive de penser : « Hum, il nous faudrait un joueur desraj, ou encore, il nous faudrait un violon kemanche ou quelque chose comme ça. » Et comme très souvent Peter - qui a un label « musiques du monde », cest-à-dire son label Real World - a lhabitude de travailler avec beaucoup de musiciens qui jouent ce style de musique, alors cest facile pour lui de dire : « Eh bien nous connaissons justement un joueur de violon kemanche et un joueur desraj, et voici leur numéro de téléphone. » Et cest une autre des raisons pour lesquelles nous avons choisi de travailler aux studios Real World.
Comment décririez-vous lenregistrement de lalbum ?
Loreena McKennitt : Quand nous travaillons aux studios Real World, une des choses les plus merveilleuses, surtout quand nous enregistrons dans lespace quon appelle la Grande salle.., la Grande salle est une pièce un peu spéciale. La console de mixage est située au milieu de la pièce et devant, il y a des sortes de larges baies vitrées faites à partir de toute une série de très grandes fenêtres qui donnent, à une des extrémités de la pièce, sur un étang. Et dans cet étang, on aperçoit souvent des cygnes, des canards, des hérons et des martins-pêcheurs. Alors évidemment, nous sommes périodiquement distraits par la faune de ce petit habitat lautre côté des fenêtres. Mais la Grande salle nous permet aussi, à moi et à mes musiciens, dêtre dans la même pièce, ce qui est un énorme avantage. Ainsi, il arrivait souvent quun musicien ou que des musiciens soient dans la même pièce que la régie technique, leur microphone serait branché et nous serions en train de répéter et puis, je leur dirais : « Daccord, je crois que nous sommes prêts à commencer à enregistrer cette chanson. » Et soit quils resteraient dans la Grande salle où nous répéterions avec chacun notre casque découte sur la tête, soit quils iraient sisoler dans leur cabine denregistrement. Cest un environnement de travail où on se sent très présent physiquement, psychologiquement et émotionnellement, et on entre vraiment en contact avec les musiciens jouant autour de nous. Très souvent, je trouve que les musiciens donnent le meilleur deux-mêmes lorsquils sont à lécoute les uns des autres. Ainsi, tout le processus denregistrement commence souvent dans une sorte deffervescence musicale un peu à limage dune réaction chimique. Il marrive fréquemment de retravailler et de mettre au point les arrangements en studio, ce qui nest pas la façon la plus économique denregistrer un album. Mais en même temps, je veux vraiment pouvoir saisir la magie qui se crée dans le feu de laction et pour ce faire, je dois passer sans cérémonie à lenregistrement aussitôt que je juge que larrangement est satisfaisant et que nous sommes assez près du but. De cette façon, jarrive à pérenniser le sentiment dexaltation qui nous anime quand la musique est pour nous encore toute neuve.
Une autre des caractéristiques intéressantes des studios Real World est que cest un lieu de travail réellement hybride,entre le conservatoire et le sanctuaire. La lumière du jour pénètre dans le studio denregistrement, et le fait de travailler en pleine campagne sous un éclairage naturel maide à avoir une meilleure concentration intellectuelle. Je men tenais aussi chaque jour à une routine. Le matin, je me lèverais tôt, jirais chercher ma presse et je reviendrais pour la lire tranquillement - tout dépendant de la saison, mais disons quen été, ce serait sur le banc dune table à Pique-niquer, pendant une petite heure avant daller travailler en studio. Puis, je rentrerais en studio à environ 10h le matin pour y travailler jusquà environ 17h. Ensuite, jirais faire de la course à pied et en revenant, je retournerais en studio pour notre deuxième séance de travail de la journée, suivie dune pause pour le dîner avant de revenir une dernière fois en studio pour y travailler jusquà minuit. Nous travaillerions selon cet horaire sept jours par semaine, très souvent pour des périodes de deux à trois semaines à la fois, ce qui représente quand même un rythme assez soutenu. Or, lenvironnement des studios Real World favorise ce genre dhoraire de travail.
Que vous a apporté le fait de réaliser cet album et quespérez-vous transmettre par cette oeuvre ?
Loreena McKennitt : Jai vraiment beaucoup appris au cours des recherches et des voyages que jai entrepris pour cet album, et ce processus a en quelque sorte été un véhicule pour mon éducation autodidacte. Comme je nai jamais poursuivi mes études au-delà de lenseignement secondaire, jai souvent dis aux gens : « Quand bien même je nenregistrerais jamais cet album après en avoir composé la musique, voire quand bien même je naurais jamais même composé la musique de cet album, lexercice de rencontrer tous ces gens, détudier et dapprofondir mes recherches maura suffi, car lexpérience se sera avérée gratifiante en soi. » Le fait que je puisse transposer le fruit de mes recherches et de mes voyages dans un document musical qui intéresse autrui constitue pour moi un énorme bonus. Quand je pense à tout ce que jai appris - et je ne puis dire si dautres partagent ce sentiment - jen conclus quil est extrêmement important de connaître lhistoire pour bien comprendre ce qui se passe autour de nous aujourdhui. Pour finir, cet album tente modestement de mettre en évidence ce qui se dégage de mes recherches et de mes voyages - qui est finalement aussi le leitmotiv de ma musique - à savoir que dans la fusion culturelle qui sopère à travers lhistoire de lhumanité et lévolution des différentes cultures, ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare. Je souhaite que ce précepte de vie universel puisse à la fois nous guider et nous inspirer.
Commentaires de Loreena McKennitt sur chaque titre de lalbum An Ancient Muse
Incantation
Loreena McKennitt : « Incantation » sinspire de plusieurs sources. Tout dabord, ce morceau fait référence à mon expérience professionnelle dans le milieu théâtral. Jai toujours aimé, surtout au théâtre de Stratford, lambiance dans laquelle baigne le théâtre juste avant que la représentation ne commence. Il y a comme une espèce de pré-mise en scène, un moment très spécial où léclairage est mitigé et un effet sonore quelconque se fait peut-être entendre. Je sais quà Stratford, on sonne une cloche, probablement pour mettre les spectateurs en situation de façon à les préparer psychologiquement et émotionnellement à lévénement théâtral qui suit. Or, la raison pour laquelle lalbum An Ancient Muse commence avec la chanson qui sappelle « Incantation » est justement parce quelle crée une ambiance émotive et prépare le terrain pour ce qui suit. Pour ce qui est de la mélodie de ce morceau, jai essayé dévoquer lidée dune lointaine époque pour bien mettre en scène lalbum. Je pense que les images qui ont inspiré cette mélodie me viennent dun voyage pendant lequel jai eu la chance de passer un certain temps dans une région de la Turquie qui sappelle la Cappadoce où il y a des formations rocheuses incroyables, et creusées dans ces rochers se trouvent les premières églises et chapelles chrétiennes rupestres. À une époque où les communautés chrétiennes étaient persécutées, ces lieux de culte nichés dans les formations rocheuses leur servaient de refuge. Et quand vous entrez dans ces églises rupestres, vous voyez des fresques exquises qui font allusion aux IIe et IIIe siècles apr. J.-C. Ce sont ces dimensions que jai voulu évoquer dans la chanson « Incantation ».
The Gates Of Istanbul
Loreena McKennitt : Linspiration pour « The Gates Of Istanbul » passe par un chemin que jai déjà emprunté dans quelques-uns de mes autres albums. Cest une réflexion sur les lieux et les époques où diverses communautés religieuses coexistaient plus ou moins pacifiquement. Quand je pense, disons, à lEspagne avant 1492, il y eut une période dune durée denviron 700 ou 800 ans pendant laquelle les communautés chrétiennes, juives et musulmanes vivaient côte à côte, et il savère que cette période représentait une sorte dapogée en ce sens où elle coïncida avec lépanouissement de lagriculture, de la littérature et des mathématiques. En fait, on croit quune partie de ce savoir qui a fini par se rendre jusquen Occident provient à lorigine des peuples arabes de lAfrique. Leurs courants dinfluence auraient traversé lAfrique du Nord jusquen Espagne, puis se seraient propagés le long des routes de pèlerinage comme celles de Saint-Jacques-de-Compostelle, pour ensuite sétendre à dautres parties de lEurope. Alors jai voulu composer une chanson qui mettrait en exergue une autre époque qui se situe à peu près pendant le règne de Mehmed II. Je crois bien que cétait autour de 1462 ou quelque chose comme ça. Disons, du temps où la ville de Constantinople prit le nom dIstanbul. Mehmed II essaya dattirer les étrangers dans la ville à dessein de la peupler de gens qui avaient des compétences et des sensibilités différentes. Et effectivement, cette époque correspond à une période de renaissance. Bon, jadmets quà force de mêtre plongée maintes et maintes fois dans différents chapitres de lhistoire, jai bien compris que lhistoire a plusieurs facettes et quelle peut se présenter sous différents angles, et que donc elle est sujette à interprétation, et je suis tout à fait consciente que ce point suscite de vives controverses. Or, un de ces points de vue est que la période qui correspond au règne de Mehmed II représente une sorte de renaissance culturelle. Doù, jai pensé composer une chanson qui mettrait en exergue cette perspective.
Caravanserai
Loreena McKennitt : La chanson « Caravanserai » se présente comme une réflexion sur lidée du foyer au sens de demeure familiale, mais aussi, à bien des égards, et autant, sinon plus, une réflexion sur comment cette notion de foyer représente avant tout ceux qui vivent dans cette demeure, ou dans le cas des peuples nomades, ceux qui se déplacent ensemble. Le terme « caravanserai » (en français, « caravansérail ») désigne en fait un lieu physique quon pourrait appeler une auberge. Jen ai vu quelques-uns en Turquie. Il y a de très belles structures fortifiées qui balisaient la Route de la Soie et dautres routes marchandes. Cétait aussi un lieu où les gens de la région, les voyageurs et les nomades se réunissaient. Cétait un lieu où les voyageurs pouvaient mettre leurs biens à labri, quil sagisse de leurs bêtes, leurs tapis ou tout autre marchandise quils transportaient. Et les marchands sarrêtaient pour passer la nuit, ou pour rester quelques nuits, dans ces caravansérails, qui leur servaient aussi de points de rencontre pour se retrouver avant de reprendre la route. Aussi, les gens de la région et les marchés publics gravitaient toujours à la périphérie des caravansérails. Ainsi, ils ont précipité de façon foudroyante lentremêlement des cultures. Une des expériences qui inspira « Caravanserai » fut le voyage où jai eu loccasion de passer quelque temps dans une famille nomade de Mongolie. Je crois bien que cétait en octobre 2003, à peu près au moment où cette famille sapprêtait à conduire leur bétail des pâturages dété aux pâturages dhiver. À linstar dun grand nombre de familles nomades en Mongolie, ils faisaient lélevage des cinq types traditionnels de bétail, cest-à-dire les chèvres, les moutons, les chevaux, les chameaux et les bovins. Or, soccuper du bétail détermine tout dans leur vie, y compris leur calendrier établi daprès les périodes de transhumance. Et il y a plusieurs années, je me souviens avoir lu que cétait en fait une caractéristique du mode de vie des tout premiers Celtes lesquels étaient donc nomades. Contrairement aux communautés agricoles qui suivaient les périodes de semences et de récoltes pour fixer leur calendrier, ces peuples de tradition pastorale tenaient compte des périodes destivage et dhivernage. Ainsi, par exemple, le Nouvel An celte est plutôt aux alentours du 1er novembre ou à la fin du mois doctobre, cest-à-dire à peu près au moment où les gens se préparent à se déplacer avec leur bétail. La chanson « Caravanserai » se trouve être le fruit de lensemble de ces expériences et de ces thèmes.
The English Ladye And The Knight
Loreena McKennitt : La chanson « The English Ladye And The Knight » sinspire de quelques chants dun très long poème narratif de Sir Walter Scott, poème qui sappelle The Lay of the Last Minstrel (en français « Le Lai du dernier ménestrel »), et ce passage du long récit me fascine parce quil se déroule au château de Carlisle. Or, le château de Carlisle fut édifié sur le site dune très ancienne colonie celte alors il y avait évidemment cette idée darchéologie celtique qui mintéressait. Mais on retrouve aussi dans ce poème un récit à la Roméo et Juliette - un chevalier écossais tombe follement amoureux dune dame anglaise - qui sinspire du noble thème de comment lamour peut transcender les barrières culturelles. Et cette histoire raconte que, ne pouvant supporter quelle soit amoureuse dun chevalier écossais, le frère de cette belle dame anglaise tue sa soeur. Alors le chevalier écossais arrive, tue à son tour le fratricide, et, plongé dans laffliction, il décide de partir pour la guerre se battre en mémoire de sa bien-aimée disparue. Et dans le dernier couplet, on comprend quil sest engagé pour la guerre en Palestine. Et ce qui est fascinant dans tout cela, cest évidemment la place importante quoccupent la Palestine et les conflits qui sy déroulent, tant dans notre quotidien, que dans notre monde actuel. Jai trouvé le parallèle intéressant, car on peut dire, oui, cest vrai, cest une oeuvre littéraire historique, mais en fait, comme on ne peut nier lhistoire qui est toujours en voie de réalisation, notre monde contemporain en est forcément le prolongement. Et ce poème ma aussi fait longuement réfléchir sur une des raisons qui peut, ou qui pouvait à une certaine époque, pousser quelquun à partir pour la guerre.
Kecharitomene
Loreena McKennitt : Il y a un morceau instrumental qui sintitule « Kecharitomene », et il est surtout issu de trois grandes influences. Une de ces sources dinfluence est le livre de Susan Whitfield, Life Along the Silk Road, qui brosse merveilleusement bien le portrait des différents types de gens qui auraient voyagé le long de la Route de la Soie, comme soldat, comme moine, ou encore comme marchand. Cet ouvrage nous livre une impression vraiment très intime de ce quaurait été leur expérience et nous montre la grande diversité didentités culturelles quil y aurait eue à lépoque le long de la Route de la Soie, de même que toutes les permutations que lon peut obtenir dune telle diversité et comment elles auraient trouvé leur expression dans la nourriture, la musique, la religion, ou même dans lélevage des animaux. Et une fois de plus, ce qui me fascine dans tout cela, cest de découvrir les lieux, les routes et les circonstances où les cultures se rencontrent et sinfluencent mutuellement. Le livre Warriors of God dun auteur du nom de James Renton est une autre des influences qui ont inspiré cette chanson. Cet ouvrage se penche sur lespèce de collision qui sest produite entre les cultures à lépoque des Croisades en mettant laccent sur leffet du choc qui opposa lOccident chrétien au monde islamique, spécifiquement à la fin du XIIe siècle. Il décrit, entre autres, le rôle joué par Richard I (dit Richard Coeur de Lion) et par le chef dÉtat musulman, Saladin. Je pense que ce que jai trouvé le plus fascinant dans ce livre est le fait quon pourrait dire que nous, en Occident, connaissons une seule version de cette tranche de lhistoire, ou alors peut-être tout au plus quelques points de vue qui se ressemblent. Or, nous navons pas vraiment eu loccasion dentendre le point de vue des Orientaux et des Musulmans. Et encore une fois, bien que cela ne soit quune photo de lhistoire prise sur le vif, on ne trouve pas moins des échos de ces événements dans notre monde contemporain. La troisième source dinspiration pour la chanson « Kecharitomene » est en fait ce qui lui a valu son nom. Elle émane dun personnage historique sappelant Anne Comnène, qui vivait à lépoque des Croisades, et qui, en tant que première femme historienne, fit la chronique de cet épisode particulièrement sanglant de lhistoire. Elle termina ses jours dans un monastère à Istanbul appelé Kecharitomene, mot qui signifie essentiellement pleine de grâce.
Penelopes Song
Loreena McKennitt : « Penelopes Song » sinspire de différentes expériences et impressions, mais aussi de certains voyages. Celui qui me vient à lesprit remonte à mai 2005, la semaine où jai séjourné sur lîle de Chio en Grèce, laquelle est en fait tout près de la Turquie continentale. Je suis restée dans une magnifique chambre dhôte sur un site de villégiature. Il y avait un verger dorangers dans mon - en fait, mon lieu de séjour était comme un petit pavillon de jardin niché tout au fond de ce verger dorangers. Et comme cétait le mois de mai, tous les orangers étaient en pleine floraison - chaque fois que je traversais mon magnifique jardin, je pouvais respirer le capiteux arôme que dégageaient les fleurs doranger. Pendant ce séjour, jai écouté un enregistrement audio de lOdyssée dHomère quon peut certainement considéré comme un des plus importants récits de voyage jamais écrits. Une fois de plus, tout cela ma fait penser à ce que représente le voyage, à ce que représentent la pérégrination et toutes ces expériences que nous vivons en voyage, mais aussi le fait que tant de fois dans lhistoire de lhumanité, et dans toutes sortes de circonstances, oui, il y a eu des gens qui sont partis, mais il y a également eu ceux qui sont restés. Et je voulais composer une chanson qui refléterait le point de vue de celui ou ceux qui restent à attendre. Car cest bien là un thème universel qui revient sans cesse. Je pense, par exemple, à lhistoire de lIrlande et à lépoque de la Grande Famine, et comment il y a des gens qui ont émigré, par exemple, au Canada ou aux États-Unis, sur ces horribles navires qui étaient comme des tombeaux. Il y avait des familles qui restaient en Irlande pendant que les leurs partaient vers le Nouveau Monde. Je ne peux mempêcher de penser à ces gens qui quittèrent les leurs pour toutes sortes de raisons, mais surtout à ceux qui, déchirés par les affres de la séparation, les regardaient partir sans savoir sils reviendraient un jour. Alors jai voulu composer une chanson qui faisait allusion à ce sentiment dêtre en attente de lêtre cher, dattendre son retour. En fait, « Penelopes Song » est lexpression de ce sentiment.
Sacred Shabbat
Loreena McKennitt : Il y a sur lalbum une composition instrumentale qui sintitule « Sacred Shabbat ». La première fois que jai entendu cet air, cétait lors dune de nos 'séances dexpérimentation de chimie musicale à Athènes. Javais demandé à trois des musiciens de jouer ensemble un morceau de musique quils connaissaient tous et ils se sont mis à jouer cette mélodie. Aussitôt que je lai entendue, je me suis dit : « Quelle belle mélodie! » Mais ce ne fut que plusieurs mois plus tard que jai retrouvé ce même air sur un album de musiques espagnoles dinspiration juive séfarade. Et ça ma fait penser à comment les morceaux de musique migrent en même temps que ceux qui migrent et émigrent, de telle façon quon peut facilement oublier doù ils tirent leur origine. Jai appris par la suite que cet air est très populaire et très apprécié dans toute la Méditerranée. Alors, jai tenu à linclure sur cet album. Parallèlement à la découverte de cet air que mes musiciens avaient joué pour moi à Athènes, je terminais tout juste un livre écrit par un auteur turc qui sappelle Irfan Orga, un livre sintitulant Portrait of a Turkish Family. Ce sont les mémoires de la famille dIrfan juste avant la Première Guerre mondiale, et de sa famille à Istanbul. Cest un récit très, très émouvant de - un peu comme les derniers jours de lempire Ottoman, et on peut voir et goûter et ressentir et entendre toute la beauté des vestiges de cette culture. Ainsi, je mimaginais entendre une mélodie comme « Sacred Shabbat » jouée dans les scènes se déroulant plus en famille ou en société, tant dans un espace public comme, par exemple, un parc, que dans lintimité de leur salon. Et en présentant cette composition instrumentale, je voulais une fois de plus, éclairer ces coins obscurs de lhistoire et aussi reprendre cette mélodie qui ma vraiment inspirée.
Beneath A Phrygian Sky
Loreena McKennitt : La chanson qui sintitule « Beneath A Phrygian Sky » sinspire dune de mes visites à un site archéologique en Anatolie près de Gordion, juste à lextérieur de la ville dAnkara en Turquie. Quand je visite différents sites archéologiques, il marrive souvent de contempler les décombres - et ce jour-là, je nai pas pu mempêcher de penser que, même si ce ne sont que dune certaine façon des débris de pierres, javais tout de même le sentiment que ces pierres furent par moments témoins dévénements extraordinaires à travers les âges. Et sur ce site archéologique près de la ville de Gordion, ils avaient découvert des ruines celtiques, mais il semblerait quils nétaient pas tout à fait certains si ces ruines étaient en fait les vestiges dune colonie celte ou ceux dun contingent de mercenaires. Car cest un fait notoirement connu que les Celtes étaient des guerriers redoutables et quils auraient souvent été recrutés pour combattre dans des guerres qui nétaient pas les leurs. Alors on retrouve ce thème de débris, ce thème de guerres et pourquoi les gens partent pour la guerre, mais aussi lidée quil y a assez dhistoire derrière nous, et assez denseignements à tirer de cette histoire, pour que nous soyons capable dapprendre et de faire de réels progrès, et pour que nous cessions de toujours répéter les mêmes erreurs. Ainsi cette chanson est autant une longue méditation sur ces thèmes quelle nest une sorte de déclaration solennelle qui suggère que, sil y a une chose qui pourrait et qui devrait nous donner le courage davancer, cest notre ouverture sur lamour.
Never-Ending Road (Amhrán Duit)
Loreena McKennitt : Le dernier titre de lalbum, « Never-ending Road », sinspire de la tradition que lon retrouve, entre autres, chez les mystiques chrétiens, juifs et musulmans qui écrivirent des poèmes très imagés dans le dessein de saisir ce qui constitue lessence même de la relation de lhomme avec Dieu. Jai trouvé très enrichissant lexpérience de créer un document musical dune telle dimension, car dans la mesure où la vie est un long voyage balisé de joies, de peines et dépreuves, le chemin se révèle sans fin et le voyage, infini. Cette chanson rend un modeste hommage à cette tradition perpétuée par des visionnaires de grand talent qui mont inspirée.
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