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Biographie de Mike Oldfield
Source / Auteur : AmarokProg Date : 09/06/2004 Nb consultation : 7423
MIKE OLDFIELD - L'éternel retour
Le coupable revient toujours sur les lieux de son crime dit-on. Tubular Bells 2003 permettra-t-il au célèbre guitariste de renouer avec les sombres recettes du passé ?
Le cas Mike Oldfield est intriguant. Responsable d'un "Tubular Bells" 56 semaines en tête des ventes et répandu à 16 millions d'unités, il a dépucelé dans la foulée un empire Virgin tout juste sevré pour l'occasion. Pas mal pour le premier essai d'un gamin de vingt ans à peine mais difficilement pardonnable. Enterré par une presse rock amnésique, il n'est pourtant pas l'auteur d'une seule oeuvre, aussi emblématique soit-elle. Une bonne vingtaine d'albums témoignent de compositions sophistiquées, inventives et toujours séduisantes.
En parfaite démonstration du syndrome "Citizen Kane", Tubular Bells résonne aujourd'hui comme l'uvre introductive monstrueuse et contaminatrice de toute une carrière. Et l'ami Oldfield n'a jamais rien fait pour arranger les choses en revenant régulièrement taquiner ces étranges cloches. Résultat : une adaptation orchestrale, deux suites et une compilation. Quand on lui demande s'il n'en fait pas un peu trop, l'intéressé balaye la question comme bloqué sur l'horloge seventies. Alors, disque rayé ou pure obsession musicale ? Seule certitude, le 26 mai sort "Tubular Bells 2003" quasiment trente ans jour pour jour après son premier accouchement. Mais attention, il ne sagit pas dune version liftée au gros son dolby 5.1 comme il en sort régulièrement mais bel et bien dun tout nouvel enregistrement de la bête. "A chaque fois que j'entendais l'original, je m'apercevais des fausses notes ou des erreurs de mixage. En même temps, il m'apparaissait évident que ce titre était parfaitement adapté aux nouvelles technologies d'enregistrement studio. Je n'ai donc pas hésité" déclare celui que les experts ont toujours observé comme une curiosité de la planète rock. Peut-être parce que son cas demeure un fascinant paradoxe ambulant. Introverti névrotique et compositeur génial ? Parangon de la new-age ? Spécialiste du recyclage pop d'occasions ? Faites vos jeux.
Quoi qu'il en soit, notre lascar sest toujours évertué à brouiller les pistes en refusant obstinément d'enfiler la panoplie d'une marionnette rock-starisée, tricotée main par Virgin. L'occasion également de faire le bilan d'un musicien atypique.
Flash Back. Nous sommes en 1971 et l'Angleterre vient de tirer un douloureux trait sur l'aventure de Beatles irréconciliables. Bercé par les arcanes psychédéliques d'un Pink Floyd prêt à visiter la face cachée d'une lune dorée ou triturés par les mélopées organiques du King Crimson, le public découvre une flopée d'artistes décidés à élargir les horizons d'un rock'n'roll vacillant.
Pour sa part, Mike Oldfield a déjà navigué dans les formations folks Sallyangie (avec sa sur) et Barefeet (avec son frère) avant de tomber dans le chaudron expérimental de l'ex Soft Machine, Kevin Ayers et de ses "Whole World". Précoce, il se forge une belle réputation de bassiste, puis de guitariste aguerri aux plus intenses improvisations. Pourtant le trublion n'est pas convaincu et la séparation du groupe lui permet enfin de se consacrer pleinement à un projet qu'il rêve symphonique. En ligne de mire Sibélius et Bach adapté à la sauce progressive en pleine ébullition.
Hic. Même dans le trip psychédélique et planant alentour, qui voudrait bien écouter une pièce instrumentale d'une heure ? "Tous les producteurs de Londres me répondaient le même refrain : impossible à vendre, cela n'intéressera personne" avoue-t-il aujourd'hui avec une distante ironie.
La solution miracle viendra de sa rencontre avec un certain Richard Branson qui lui permet d'enregistrer professionnellement l'intégralité de l'uvre dans sa résidence aménagée en studio, le fameux "Manor" où Magma et Henry Cow font également leurs débuts. Même si la première démo ne convainc pas tout à fait le futur milliardaire, un peu réservé sur le manque de chansons de l'ensemble (!), Mike laisse courir son inspiration et laisse échapper les fameux hurlements d'un "caveman" hystérique sur la seconde partie du disque. "J'ai bu la moitié d'une bouteille de whiskey Jameson (...) et j'ai crié de toutes mes forces pendant dix minutes lors de l'enregistrement de la chanson !" .
En solitaire aguerri, Oldfield délègue peu (chant, percussions et flûte) et confirme un talent protéiforme en s'accaparant une trentaine d'instruments.
Le résultat est atypique, incandescent mais invendable ! Toujours la même réponse : "Inclassable et trop étrange". Un label américain s'y intéresse enfin et propose 20.000 dollars... si l'on transforme le tout en chansons ! Impensable.
Golden boy en gestation, Branson ne veut pas lâcher l'affaire qu'il sent juteuse et propose le titre moins énigmatique "Breakfast in Bed". En vain. Les cloches seront tubulaires ou ne seront pas. Résigné, il se lance à l'aventure. Virgin est né. Nous sommes le 23 mai 1973, une page de l'histoire rock semble se tourner. Bien vu. Quelques mois plus tard, "Tubular Bells" a déjà envahi un foyer sur dix et hante les nuits de spectateurs tétanisés par le motif au pianissimo repris dans un "Exorciste" désincarné. "J'ai vu le film vingt ans plus tard. Je pensais que la musique serait plus présente".
La presse dithyrambique se perd en conjectures. Déjà, le prodige leur échappe. Comment expliquer la musique séminale bercée dans un clair-obscur enivrant et romantique qu'il délivre dans une transe quasi mystique ? Du jamais vu. Oldfield reste un mystère, tétanisé par le monde extérieur avec lequel il communique peu, incapable d'analyser les violentes émotions provoquées par sa propre création. Son album rassemble vingt années d'obsessions et recycle les sentiments torturés d'une enfance bercée par une mère psychotique internée cyclique. Un cas freudien que tout le monde s'arrache en bon phénomène de mode. Concert devant la reine au Queen Elizabeth Hall de Londres, participations avec Gong ou Robert Wyatt sur le mythique "Rock Bottom".
"Brusquement toute la presse portait son attention sur moi et j'ai décidé de partir m'isoler à la campagne". La fuite active plutôt que la résistance passive. Reclus parmi les moutons dans une bâtisse "incroyablement froide" du Pays de Galles, Oldfield répond par le silence ce qui le catalogue aussitôt au rang d'original. Une bizarrerie musicale intrigante et forcément suspecte.
L'exil ne freine pas une créativité débridée. Les chefs d'uvre organiques "Hergest Ridge" (74) et surtout "Ommadawn" (75) confirment une veine mélodique fouillée qui s'étend désormais à de vastes horizons, annonçant un courant world music embryonnaire. Puis, le trou noir. Dépression nerveuse carabinée du petit génie. A vingt trois ans, il se paye un aller simple pour le mouvement psycho-sectaire à la mode "Exegesis" qui lui reconstruit illico une personnalité désinhibée. Quatre mois d'un mariage toc avec une thérapiste médiatique lui suffisent pour le convaincre de rejoindre sa vraie passion : la musique.
Mais en 1977, le progressif est déjà écartelé en place publique par une vague punk qui monte au créneau de la haine assumée envers les "musiciens". Même le symbole Pink Floyd s'apprête à se fracasser contre le Mur d'une nouvelle ère. Le courant musical est sacrifié sur l'autel de la mégalomanie et du courant d'air "no future" dans lequel s'engouffre la presse rock... et Virgin.
"C'était déprimant. Dès que vous saviez jouer d'un instrument, vous passiez pour un ringard et les labels signaient à la chaîne. Une horreur". De son côté, Oldfield est lentement poussé dans une veine commerciale qui accouchera de quelques tubes planétaires mérités ("Moonlight Shadow", "To France"). Musicalement bridé, ses relations avec le célèbre label ne cessent de s'envenimer. Le début des années 90 marque une rupture devenue inévitable après un "fuck-you" vindicatif lancé dans un morse à peine codé au maître Virgin en personne sur le tellurique "Amarok".
Depuis, les réminiscences "tubularesques" plus ou moins estampillées en suites officielles (92, 98 et 00) ont creusé un visage d'où ressort le regard perçant d'un créateur en perpétuelle quête de nouvelles inspirations, moins fertiles aujourd'hui. Même si l'assimiler à la musique électronique reste un amalgame forcément réducteur, celui qui aura influencé nombre d'artistes - Massive Attack en tête - semble désormais perdu dans les sonorités fragilisées par un univers virtuel (www.musicvr.com) qu'il a su marier à sa musique. Pour le meilleur et pour le pire. Toujours le même son de cloches. Le voici reparti à l'assaut d'un passé touchant au rituel compulsif.
Coup marketing et remise à flot financière railleront les mauvais esprits. A cinquante ans, l'ami Oldfield s'offre une nouvelle virée en territoire conquis. Celui qui prend désormais son pied à contempler la nature ou à construire des maquettes d'hélicoptère dans sa demeure du Buckinghamshire affirme que cette nouvelle version "n'est plus le produit d'un jeune homme torturé mais celle des jours heureux". La sérénité enfin trouvée ? Qui sait. Mais surtout, cet éternel retour qui abouti logiquement à une conclusion : Tubular Bells reste un monolithe énigmatique et intemporel du rock. Un voyage purement sensoriel à l'instar du "2001" de Kubrick. Son "film préféré".
TOUR D'HORIZON DISCOGRAPHIQUE
1973 - Tubular Bells : Premier essai, premier coup de maître. Le système Oldfield est déjà en place, calé entre des arpèges éthérés et acrobatiques. Un accouchement dans la douleur, à l'éclatante noirceur mais aussi l'album de tous les records qui assoit les fondations de l'empire Virgin. 5/5
1974 - Hergest Ridge : Un style peaufiné sur des ambiances pastorales et aériennes. L'ensemble bref et nerveux frôle le tragique. Les structures harmoniques gagnent en émotion brute et désespérée. Un diamant noir miraculeux. 5/5
1975 - Ommadawn : Le sommet de la première période. Une première partie extraordinaire de délicatesse mystique où la guitare atteint des sommets de virtuosité avant le "final" à couper le souffle. Derrière la beauté diaphane, la dépression guette ce chef d'uvre absolu. Du grand art à 22 ans seulement ! 5/5
1977 - Incantations : Une longue suite portée par des nouvelles orientations orchestrales étalées sur un double album. Des éclats magnifiques freinés par quelques longueurs complaisantes qui l'empêchent de se hisser au niveau de ses prédécesseurs. A la même période sortira le hit disco "Guilty". 4/5
1979 - Platinum : Virgin attend un peu plus de potentiel commercial de son poulain. Conclusion, les titres commencent à sérieusement se raccourcir. Apparaissent les premières chansons dont le très beau "Sally" interprété par sa soeur. Inégal malgré quelques charges héroïques, le ton résolument disco se digère mal aujourd'hui. 2/5
1980 - QE2 : Un album de transition qui marque un retour aux racines traditionnelles. Oldfield s'ouvre à de fructueuses collaborations (Phil Collins sur le malicieux "Taurus 1", ABBA sur "Arrival"). Bercé de mélodies légères (la reprise de "Wonderful Land" des Shadows), l'occasion également de découvrir la voix en or de Maggie Reilly. 3/5
1982 - Five Mile Out : D'un côté une magnifique suite de haute voltige ("Taurus 2"), de l'autre des chansons qui gagnent en maturité ("Family man"), cerclées par le chant cristallin de Maggie Reilly. Intense de bout en bout, un sans faute de référence. 5/5
1983 - Crises : L'arrière garde des fans sera déconcertée par l'aspect nettement plus synthétique des compositions. On y pioche malgré tout la pépite "Moonlight Shadow" qui parvient à occulter l'héroïque suite éponyme et une agréable collaboration avec Jon Anderson. 3.5/5
1984 - Discovery : Aller simple pour l'air pur de la Suisse et un album composé à 80% de chansons. Moins de synthétiseurs et plus d'émotion sur des titres lumineux ("To France", "Talk About Your Life") ou plus sauvages ("Poison Arrow"). Oldfield est au sommet de sa popularité et inaugure la nouvelle salle de Paris-Bercy. Brillant. 3.5/5
1984 - The Killing Fields : Bande originale de "La Déchirure" de Roland Joffé. Les compositions prennent les tripes et restituent à la perfection l'atmosphère oppressante et dramatique du film. Des harmonies dissonantes où se dégagent quelques moments forts avec le flippant "Evacuation" et l'adaptation du célèbre 'Recuerdos de la Alhambra' de Tarrega. 3/5
1987 - Islands : Retour aux nappes de synthétiseurs. Plus à l'aise pour l'instrumentale "The Wind Chimes" marquée par de nouvelles influences indonésiennes, Oldfield s'effiloche sur des chansons oubliables (le duo éponyme avec Bonnie Tyler) qui marquent le retour amical de Kevin Ayers ("Flying Start"). Une déception. 1.5/5
1989 - Earth Moving : Produit et mixé à la maison et uniquement chanté, l'exercice de style s'avère heureux avec les puissants "See the light" ou "Earth moving". Le reste est nettement plus anecdotique malgré le magique "Blue Night" qui marque le retour de Maggie Reilly. 2/5
1990 - Amarok : Sur le concept d'un voyage initiatique, cette suite unique permet à Oldfield de s'amuser avec soixante instruments (!) sur des mélodies fertiles. Les thèmes, aériens ou complexes, côtoient le folklore irlandais et africain. La maîtrise est bluffante et laisse pantois d'admiration. L'album signe la brutale rupture avec Richard Branson qui souhaitait en faire une suite au mythique "Ommadawn" et devient dans la foulée son plus grand échec public. Oldfield est au pied du mur mais au sommet de son art. Une renaissance impressionnante et le Graal enfin trouvé. Pour les fans il n'a jamais fait mieux. 5/5
1991 - Heaven's Open : Obligé contractuellement de fournir un ultime travail à Virgin, Mike Oldfield va refourguer ses fonds de tiroirs et reprendre son prénom d'origine. Il en profite pour passer derrière le micro et hurler son mépris du label sur le sémillant "Make Make" ou le déchirant "No Dream". Etonnant. 2/5
1992 - Tubular Bells 2 : Pour célébrer son arrivée chez Warner, voici la suite de l'uvre fondatrice. Il en reprend la moelle originelle et s'amuse à la tordre sur de nouvelles trajectoires, plus harmonieuses. Le résultat est une relecture distanciée du mythe dont les mélodies hypnotiques ("Sentinel") touchent parfois au sublime ("Weightless"). 4/5
1994 - The Songs of Distant Earth : Toujours passionné de nouvelles technologies, l'album offre pour la première fois une plage multimédia (MAC) ! Le concept est axé sur un livre de Science fiction écrit par Arthur C. Clarke, l'auteur de "2001". L'ensemble sonne définitivement new age mais avec cette touche si particulière qui le sort du lot. Dans son genre, une réussite. 3/5
1996 - Voyager : En pleine vague celtique, l'album reprend pour moitié des pièces traditionnelles. L'ensemble tient la route mais sans étonner et c'est le titre "Mont St Michel", symphonique et chaleureux, qui emporte l'adhésion. 2.5/5
1998 - Tubular Bells 3 : Les cloches sont de retour mais très loin des précédentes versions. Les morceaux s'engouffrent dans des ambiances sonores variées d'où ressort un "Serpent Dream" andalou de toute beauté. "Man in the Rain" se contente de copier - coller le hit "Moonlight Shadow" mais les cloches finales parviennent à retrouver la puissante inspiration des débuts. 3/5
1999 - Guitars : Un concept original : tous les instruments sont joués à la guitare (percussions comprises). Le résultat est étonnant et passe des splendides "Muse" et "From the Ashes" au plus confus "Four Winds". Se faire plaisir est une chose mais le manque d'inspiration plombe ce nouvel album de transition. 2/5
2000 - The Millenium Bell : L'objectif était de fêter le nouveau millénaire. Pour cela, chaque étape marquante de l'histoire sera honorée d'une composition. L'argument marketing associé à un résultat sans relief frôle l'overdose. Entre deux catastrophes, le gentillet "Lake Constance" tire sa révérence. A oublier d'urgence. 1/5
2002 - Tres Lunas : Entrée dans le phénomène chill-out par la porte d'un monde virtuel (MusicVR), les compositions développent des thèmes réduits à leur plus simple expression et assez mal accommodées à l'absence d'images. Oldfield toujours aux abonnés absents. 2/5
2003 - Tubular Bells 2003 : Trente ans après la révélation ce nouvel enregistrement est somptueusement ripoliné. Trop peut-être. Le charme de la technique foutraque d'origine semble manquer pour en retrouver toute l'émotion charnelle. Mais peu à peu la magie reprend le dessus et prouve que le temps n'a pas de prise sur cette uvre unique et passionnante. Un mythe toujours vivace. Oldfield de retour ? 4/5
Autres Albums
1974 - Tubular Bells Orchestral : Dirigé par l'ami David Bedford rencontré durant la période des "Whole World", une version où Oldfield intervient sur le brillant final à la guitare. Malheureusement, l'insuccès du projet laissera dans les cartons une fabuleuse version orchestrale de Hergest Ridge. Dommage. 3/5
1976 - Boxed : Tubular Bells, Hergest Ridge et Ommadawn dans un même coffret, ça ne se refuse pas ! 5/5
1979 - Exposed : Seul enregistrement live (officiel) disponible issu de la tournée 78 qui s'avèrera un gros échec financier. On y retrouve un orchestre d'une trentaine de musiciens et une extraordinaire version expurgée d'Incantations. Magnifique. 4/5
1985 - The Complete : Compilation avec quantité de raretés intrigantes. 3/5
1997 - Elements : Réducteur comme toute compilation, ce judicieux coffret 4 CD offre malgré tout quelques joyaux inédits. 4/5
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