Né en Australie, le collectif mutant UNITOPIA livrait l’an passé More Than A Dream – condensé tonitruant de Manfred Mann, Ozric Tentacles et de résonances Peter Gabriel / Ray Wilson pour le chant, notamment. Nous avions alors noté qu’avec un peu plus d’expérience et une production bonifiée, la suite s’annoncerait détonante. Il n’aura donc pas fallu attendre dix années lumière pour en avoir le cœur net.
Avec The Garden, double album dans la tradition du genre, UNITOPIA repart à la conquête d’un rock progressif teinté des seventies, tirant sa révérence devant l’indéboulonnable duo Genesis-Yes ; une musique qui alterne le chaud et le froid, l’acoustique et le riff plombé, croisement malin et malicieux entre Moon Safari, The Flower Kings, Magic Pie, Transatlantic et Magenta... ces derniers bouclant allégrement vers Genesis ou Pink Floyd. Prompt à sniffer les bons coups, Inside Out ne s’y est d’ailleurs pas trompé en signant prestement la formation kiwi.
La plupart des morceaux, positifs et dopés par des musiciens carrés, jouent les piles électriques à retardement. « One Day » et son piano-voix-violoncelle, splendide d’émotion, transperce la cible avant d’enclencher les 22 minutes de la pièce montée « The Garden », à la fois spontanée et contrastée : des guitares agressives, suivies de moments calmes et sereins, presque tristes, quelques zigzags tribaux (xylophones, bruitages, percussions) sur des mélodies jouant les cabrioles de gentillesse et de fragilité sans jamais faire gnan-gnan. Et le final ne manquera pas de flanquer le frisson aux passionnés de « Supper’s Ready » qui entendront ici bien plus qu’un hommage.
La minutieuse horlogerie seventies joue les maestros en évitant le syndrome du tribute band maniaco-dépressif qui pollue trop souvent la personnalité des formations sous influence. UNITOPIA dépasse alors le cadre du dédoublement de personnalité et affiche un style direct, passant sans une once d’hésitation d’un style bande originale de film symphonique (« Amelia’s Dream ») à de la power pop acidulée (« Inside the Power »).
Les amateurs raffoleront de ces grands écarts qui permettent au second gros morceau, « Journey’s Friends », de passer du néo-synthé-eighties aux riffs tumultueux sur fonds de chant assez énervé avant de céder sa place au groove sexy (avec saxophone langoureux et tout ce qu’il faut) de « Give and Take ». Chaque tentative est couronnée de succès au point qu’un titre passe partout comme « When I’m Down » (seul dispensable du lot) fait pâle figure vis-à-vis du reste. Certes, la sobriété n’est pas toujours d’actualité, et chaque ligne mélodique risque à chaque instant la sortie de piste ; brisée par quelques onces ferrugineuses (« This Life »), une voix féminine envoûtante sur des harmonies romantiques (« Love Never Ends »), d’impeccables embardées jazz-fusion (« Don’t Give Up Love ») ou un jeu de basse bien en chair sur fond de rythme crunchy dans le sillage d’un Peter Gabriel en climat tempéré.
Bref, sous la houlette d’un laptop tonique et pas manchot, The Garden ne réinvente pas le fil à couper le prog et pourrait même bénéficier d’une production plus chiadée encore mais il parvient à mélanger ses influences avec assez de candeur pour transcender un propos qui aurait pu faire long feu.
A travers des horizons aussi multiples que ceux de leur vaste contrée et sans se vouloir visionnaires à tout prix, ces bougres d’australiens dégotent le plus souvent ce que d’autres laissent mécaniquement au rencard avec leurs certitudes : l’inspiration.
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