En version originale, The Incident pourrait être considéré comme un exemple saisissant de rock progressif conceptuel : un double album avec notamment son morceau-titre de 55 minutes découpées en tranches, des styles qui chassent à la fois le folk, latmosphérique, le post-rock ou le métal, un livret de grande qualité avec des clichés signés Lasse Hoile et le retour, très symbolique, du mellotron pour faire bonne figure. Le successeur de lénergique Fear of the Blank Planet (2007) ressemblait bien à un condensé clinquant et plein dacrobaties de ce que Porcupine Tree sait faire de mieux depuis Signify (1996). La bonne nouvelle, cest le numéro déquilibriste impressionnant defficacité qui fera tituber lauditeur au bord du précipice. Entre des mains moins habiles que celles de Steven Wilson, la chute aurait été inévitable. Ici, la verdeur déployée fait leffet dun oasis en plein désert. De lintroduction aux guitares incantatoires (« Occams Razor ») aux alternances héréditaires entre calme et saturation (« The Blind House », « Octane Twisted »), lalbum passe en revue le manuel du Porcupine Tree illustré. On appréciera surtout lattention portée aux nombreux passages acoustiques qui entrent souvent dans lintime (« Kneel and Disconnect ») quand, en face, la magie se fait rêche et inquiétante (« The Incident »). La voix de Steven Wilson, pleine damertume et moins trafiquée quà laccoutumée, se charge de peindre cet univers souvent désenchanté dune douce particule de mélancolie (« I Drive the Hearse »). Sa guitare, tranchante dans la substance rêve, avance pleine dappétit pour les zones dombres et boucle laffaire en passant du bucolique au tellurique.
It's so hard to get along, I always know what you're gonna say, and this too, I hated you, I wish you'd learn to keep your mouth shut.
Les comparses Richard Barbieri, Colin Edwin et Gavin Harrison complètent cette addition chargée de fureter, à loisir, près de Pink Floyd (« Time Flies », superbe et très Animals) et même du Mike Oldfield des années 70 (« The Yellow Window »). Mais Steven Wilson est trop doué pour se contenter de copier ou ronronner sur ses acquis. Le second disque senvole alors avec la même fluidité dans des arceaux parfois moins accessibles comme le long titre « Flicker » qui se propage tel une traînée de poudre ou ce « Bonnie the Cat » chuchoté, ballotté par des accents dépressifs dégénérescents. Au final, cette capacité à écrire de belles mélodies lemporte. Sans être victime de son incessante (hyper)activité, on approche le canon qualitatif habituel de Porcupine Tree sur le piano/guitare serein de « Black Dahlia » et un « Remember Me Lover » dune légèreté essentielle.
I was born in 67', the year of Sgt. Pepper and Are You Experienced.
Doté dun impressionnant casting de morceaux qui le rapprocherait dune uvre quasiment naturaliste, The Incident se doit malgré tout dêtre apprivoisé. Le temps joue pour lui : la production, dune richesse caractéristique, sapparente à un paysage qui se reconstruirait après la dévastation. Elle népuise jamais et transforme en passionnante expérience, éprouvante parfois, une tentative trop rare de conciliation luxueuse entre linstinct du rock intello et lirraison de lémotion pure. Le champ sonore devient alors universel. Malgré son succès, Steven Wilson himself jettera sur ce très bel album un regard peu complasant, le qualifiant de trop imparfait, pas assez novateur, ni créatif. La quête du succès atteinte, il préfèrera se lancer dans une carrière solo prolixe et savoureuse, plongeant Porcupine Tree dans un coma artificiel dont personne, à lheure actuelle, ne connaît lissue.
Disc 1 - 55:08 1. The Incident I. Occam's Razor (1:55) II. The Blind House (5:47) III. Great Expectations (1:26) IV. Kneel and Disconnect (2:03) V. Drawing the Line (4:43) VI. The Incident (5:20) VII. Your Unpleasant Family (1:48) VIII. The Yellow Windows of the Evening Train (2:00) IX. Time Flies (11:40) X. Degree Zero of Liberty (1:45) XI. Octane Twisted (5:03) XII. The Séance (2:39) XIII. Circle of Manias (2:18) XIV. I Drive the Hearse (6:41)
Disc 2 - 20:34 1. Flicker (3:42) 2. Bonnie the Cat (5:45) 3. Black Dahlia (3:40) 4. Remember Me Lover (7:28)
Total Time 75:42
Line-up de The Incident
- Steven Wilson / vocals, guitar, piano - Richard Barbieri / keyboards, synthesizer - Colin Edwin / bass guitar - Gavin Harrison / drums
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