Titre : Well, je pense, quen fait, labsurdité est une chose très sérieuse !
Backwards nest pas le premier live de la cultissime machine molle qui ressort des tiroirs ; mais avec le label Cuneïform, on peut sattendre à profiter dune qualité sonore décente, et de notes de pochettes dun intérêt non négligeable. Lincontournable Eric Leroy est en effet un spécialiste du Canterbury !
Dailleurs, même des documents salement abîmés par le temps, soumis à un nettoyage expert, peuvent après coups, dévoiler tout un pan de lhistoire dun groupe obscur. Et lhistoire de la Machine est pour le moins tumultueuse !!!
Lintérêt documentaire de Backwards est indéniable. En effet, on a droit à une performance du quartet naissant, à un enregistrement du septet, et à une démo de "Moon in june". Point dennui, donc !!!
Avant toute chose, quelques perspectives historiques : Chacun des membres du groupe affichaient, et ce en particulier depuis le volume 2, un intérêt prononcé pour le jazz. Les frangins Hopper sétaient même mis alors à jouer des sax (tenor, alto, et soprano) et Ratledge de la flûte, afin dajouter une couleur sonore nouvelle à leur musique.
Puis surviennent les improvisations extra terrestres de Spaced, sur la base desquelles Hugh et Mike élaborent des compositions alambiquées, fusionnant des thèmes étranges et inquiétants : "Facelift", "Eamonn Andrews", "Mousetrap" et "Backwards".
Ces créations trouvent leur origine dans des influences très variées ! Si tous les musiciens de la machine sont imprégnés de musiques sérielles, des créations de Miles, et du Hard bop de John Coltrane, Cecil Taylor et Thelonious Monk ; chacun a aussi des références qui lui sont propres. Mike était marqué par une solide formation classique, et Hugh était un fervent admirateur de Ravi Shankar et du Zappa dUncle Meat et Hot Rats. Il affirmera dailleurs que la musique quil préfère est « un mélange de bizarrerie (Weirdness) et décriture complexe ».
Alors quils partageaient laffiche avec les Softs, les cuivres du Keith Tippet Group sont invités, à linitiative de Wyatt, à rejoindre le groupe en 1969. Le Magma des débuts trouvait sa force dans le tranchant des cuivres, qui assénaient à lunisson, et avec une précision percutante, des riffs coups de poing à la face de lauditeur. Et bien Magma a emboîté le pas à la machine molle des débuts !
« Cétait soit conceptuellement trop rigide, soit totalement chaotique », se souviendra plus tard Ratledge. Ces deux tendances se partagent le septet set :
Sur "Facelift", les cuivres de Tippet se contentent d'interpréter des riffs étranges que maître Hopper a adapté exprès pour eux, les veinards !
Lyn, quant à lui, nous livre un solo de son crû, paranormal et extatique ; et cela ne fait nul doute que lanimal fut charmeur de serpents dans une vie antérieure, tant les mélopées chavirantes qui sélèvent de son instrument vous enivrent !
"Hibou, Anemone and Bear" nest quun extrait, car le riff est répété à lenvi pendant parfois plus dune dizaine de minutes (Cf Noisette), histoire que tous les cuivres se soient passé le relais, lâchant tour à tour la bride à leur verve intarissable et mouvementée. Et, au lieu de sombrer dans un lyrisme plat, chacun de ces musiciens libère tout un vocable animal grouillant dune foultitude de cris, de souffles haletants, et de rugissements de plaisir. Et nous navons pas besoin dun éthologue confirmé pour décrypter leur propos, tant lenthousiasme est communicatif !
Fin 1968, après une tournée américaine exténuante, le trio qui avait enregistré Volume 1 se sépare. Et Wyatt, qui songe déjà à entamer une carrière solo, enregistre quelques démos en compagnie de Jimmy Hendrix à la basse, dont "Rivmic Melodies" et "Moon in june", qui referont surface sur Volume 2 et Third, respectivement.
De même que sur le Third, Wyatt joue de tous les instruments sur "Moon in june", mais il est ici en pleine rêverie lunatique : sa voix est plus chaude, le tempo est plus lâche, le son de lorgue Hammond est rond et doux, et la lune de juin répand sa lueur pleine et pure.
La performance du quartet, quant à elle, se rapproche de celle du Third. Le départ de Lyn permet au groupe de se ménager de longues plages dimpro, s'éloigant ainsi du cadre rigide et figé des compos, afin de prendre de la hauteur et de sépanouir pleinement. La sérénité méditative et soupirante des moments suspendus évoque Coltrane, mais létrangeté et la tension qui hantent les thèmes donnent à la musique du groupe un cachet unique. Dean, dont les talents de soliste doivent encore se révéler, est plus mesuré dans ces interventions, et pour une fois, Mike est inspiré. A ce stade, "Esthers Nose Job", très rock dans ces décharges de batterie, laisse encore un espace de choix aux vocalises inénarrables de Bob. On peut même affirmer que son talent dans le domaine de l'expérimentation vocale (cris, halètements, grognements porcins, et autres onomatopées inavouables, déformation de la voix dans l'échos)s'est mis à fleurir à partir du moment où ses comparses lui ont interdit de chanter dans un langage intelligible. C'est commme si l'animal se vengeait de ses collègues !!!
Pour conclure, rappelons quelques propos de Robert, évoquant son départ du groupe : « Jétais plus intéressé que les autres par limportance de labsurdité, comme élément libérateur. Cest pourquoi après quelques années, ils ont commencé à rechercher quelquun de plus sérieux... Well, je pense, quen fait, labsurdité est une chose très sérieuse ! ». Amen ! Nous le pensons aussi !!!
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Track-list de Backwards
1. Facelift (18:49) 2. Moon in June (7:38) 3. Esther's Nose Job (12:55) 4. Facelift (8:32) 5. Hibou Anemone and Bear (4:00) 6. Moon in June (demo) (20:46)
Total Time: 72:40 Recorded in 1968-1970 in London, Paris and USA.
Line-up de Backwards
- Mark Charig / trumpet - Elton Dean / alto sax, saxello - Lyn Dobson / soprano sax, tenor sax - Nick Evans / trombone - Hugh Hopper / bass - Mike Ratledge / electric piano, organ - Robert Wyatt / drums, vocals
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